Théâtre / D'un texte inutilement alambiqué de Pierre Notte, la compagnie de l'Iris, pour célébrer ses trente ans d'existence, tire un spectacle inventif.
Multi-traduit, ex-secrétaire général de la Comédie-Française, auteur associé au Théâtre du Rond-Point (par ailleurs plus que critiquable quant à sa programmation), Pierre Notte est l'un des auteurs vivants français les plus joués. Et pourtant, souvent, sa langue ampoulée butte sur les plateaux de théâtre, contraignant les metteurs en scène à des gesticulations dont ils savent se passer habituellement. Pour Des couteaux dans le dos, l'enjeu est simple et intéressant : une jeune fille se mutile avant de choisir de fuir le huis-clos familial dépressogène.
Elle croisera feu sa grand-mère bienveillante et surtout un jeune homme, gardien de phare qui lui se brûle. Ce qui aurait pu être le récit poignant de deux ados dont les solitudes se rencontrent est sans cesse parasité par des digressions avec la conseillère d'orientation, un psychiatre, un officier de police mais surtout par des apparitions saugrenues de Rilke ou Ibsen ! Le metteur en scène Philippe Clément s'en sort par des petits rictus dictés à ses comédiens, des soupçons de comédie mais le texte semble l'entraver. Peut-être eut-il fallu le couper.
Grands blessés
C'est lorsque l'intrigue se resserre autour de son sujet initial que le spectacle se déploie vraiment. À ses deux jeunes personnages, Philippe Clément attribue de modestes bandages de tissu rouge (pour elle) et blanc (pour lui). C'est esthétique et symbolique – l'utilisation des coulisses est à cet égard très malin : point de rideau mouvant mais une sorte de valve qui s'ouvre et se ferme sur eux tous. Le décor est aussi particulièrement bien travaillé, avec des chaises métalliques singulières tout comme le son entre électro et musique foraine. Ou ces projections dessinées de décor (salle de classe...) et cette séquence entre vidéo et tulle qui fait judicieusement apparaître des nageuses dans une piscine. Mais Notte oblige le metteur à scène à inventer trop de scènes différentes.
S'il y a là matière à amusement pour ceux qui le fabriquent, c'est trop touffu pour être reçu avec fluidité. Les émotions se diluent. Et c'est lorsque ce chat sauvage qui griffe (interprété par Émilie Guiguen) s'affirme face aux autres avec pour seul bagage son paquet de Figolu que cette adaptation des Couteaux dans le dos est la plus forte.
Des couteaux dans le dos
Au théâtre de l'Iris jusqu'au 2 février