Film de fresque / de & avec Carlos Reygadas (Mex-Fr, 2h58) avec également Natalia López...
Poète reconnu, Juan s'est établi comme éleveur de toros dans un vaste ranch familial. Lorsqu'il découvre que son épouse Esther a entamé une liaison avec un dresseur de chevaux, cet apôtre des mœurs libres les incite à vivre leur histoire. Très vite pourtant, il supporte mal leur romance...
Apparu peu ou prou au même moment que ses trois compatriotes del Toro, Cuarón et Iñárritu dans le spectre du cinéma mondial, Reygadas est le premier à avoir émergé régulièrement sur les scènes festivalières et le seul à ce jour à n'avoir jamais conquis d'Oscar. À la différence de ses camarades lorgnant volontiers de l'autre côté du Rio Grande et se fondant dans la culture étasunienne, Carlos s'est en effet enfoncé à chaque fois plus intensément dans celle de son pays, s'investissant dans des projets où la dimension intime et auto-fictionnelle paraît grandissante.
Dans Nuestro Tiempo, il interprète le mari plutôt antipathique piégé par sa jalousie, cet intello se piquant d'élevage, ce bobo rêvant d'une vie en bottes. Et se montre dans la peau du voyeur, du manipulateur à la petite semaine, mettant en scène un hypothétique consentement dans l'espoir inavoué de torpiller l'adultère qui le ronge — la manœuvre est moins élégante que celle soutenant Une autre vie (2013), le très beau drame sentimental d'Emmanuel Mouret.
Œuvre ample allant au-delà du marivaudage étriqué qu'induirait un décor haussmannien, Nuestro Tiempo profite de ses “marges“ et notamment de sa longue exposition pour raconter en une fresque subtile, l'universelle (et éternelle) complexité des rapports entre les sexes, à tous les âges de la vie. L'amour est un jeu et une conquête, qui fait des dommages collatéraux et laisse des cœurs éplorés d'avoir été dédaignés. Chacun et chacune le sait, mais personne ne renonce à jouer...