article publi-rédactionnels
Bourdieu déminé aux Clochards Célestes
Par Nadja Pobel
Publié Mercredi 13 février 2019
Photo : © DR
En réalités
Théâtre des Clochards Célestes
ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement
Théâtre / Tous jeunes et déjà primés pour un travail remarquable, les membres de la compagnie Courir à la catastrophe s'attaquent à la somme bourdieusienne La Misère du monde. Courez-y !
Ils ont tout récemment reçu les prix conjoints du jury et du public du Théâtre 13 parisien, ils seront présents bientôt au renommé festival Théâtre en Mai à Dijon. Ces récompenses ne sont pas volées, car En réalités, créé en juin, a la modestie des premiers travaux (sans esbroufe, fabriqué avec des bouts de ficelle) et l'ambition de ceux qui montent sur scène avec un réel propos à défendre (ce n'est pas si courant).
Ici, les six acolytes issus du Conservatoire d'Art Dramatique parisien du 5e arrondissement ou de l'ENSATT, comme la metteuse en scène Alice Vannier, alternent les séquences d'entretiens analytiques des sociologues à leurs débats de professionnels quant à l'organisation de ce livre piloté par Pierre Bourdieu et paru en 1993. Ces intermèdes, qui pourraient être un peu plus nombreux, se révèlent jubilatoires (l'auto-dérision du sociologue sur sa fonction) et très pertinent car ils permettent d'appréhender une réflexion en train de s'élaborer : celle d'articuler politiquement ce qui émane des témoignages. Oui, les couches populaires ont quelque chose à enseigner aux dirigeants.
Vie à crédits
Complètement ancré dans le début des années 90, avec Minitel, voix de Paul Amar et soulèvement du Mas du Taureau à Vaulx-en-Velin dans le poste, ascension du FN et petite pique à un Mitterrand alors intouchable, la pièce de cette génération à peine née à cette époque se déroule dans un décor astucieux. Six tables dressent un mur à slogans mais plus encore, elles sont les outils de travail de cette bande où chacun des multiples rôles est parfaitement interprété.
Les personnages sont pourtant retors : un couple de SDF, une femme étouffée par le surendettement, un gardien d'immeuble de ZUP fatigué, une victime de harcèlement... Le pathos guette mais ne parvient jamais sur le plateau où tous sont d'une justesse épatante dans des registres très différents et changeants. « Le progrès y recule » dit l'une étayant bien des analyses sociologiques. Trouvant constamment le bon équilibre, la troupe séduit par sa capacité à livrer frontalement un message politique qu'ils se sont appropriés tout en faisant absolument confiance en l'art théâtral pour relayer leurs préoccupations.
En réalités
Au Théâtre des Clochards Célestes jusqu'au 17 février
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