Restaurant / Maxime Laurenson invite à déguster le Rhône, les Alpes, l'Auvergne, dans une cabane chic, perdue et enthousiasmante du quartier de la Gare.
Comment Lyon a pu être considérée comme une capitale mondiale en matière gastronomique ? Sans vouloir froisser de toque, cette hypothèse : la Bresse influençait Lyon, Lyon influençait le monde. Comme disait Curnonsky (à cause de qui on porte encore le poids de ce titre), Lyon tirait donc ses volailles de Bresse, ses vaches du Charolais, ses moutons de Loire, ses poissons des Dombes, son beurre du Dauphiné, etc. Ajoutons : son vin du Beaujolais comme de Côte Rôtie, ses fromages de Beaufort comme de Saint-Nectaire. Bref, Lyon fut/est un carrefour de ce qu'il se fait de mieux en matière de victuailles. Ça aide. Si la ville veut être à nouveau un point sur la mappemonde gastronomique elle devra bosser ce rapport local-global. Considérer que l'un donne accès à l'autre, et vice-versa, et se prémunir de toute tentation identitaire.
Il y en a un qui semble avoir compris ça, en tout cas c'est ce que son assiette indique, c'est Maxime Laurenson, qui vient de poser la plus belle table de cette fin d'année — ça se passe dans le 2e. Le jeune homme, qui nous vient de Haute-Loire, a découvert le métier de cuisinier à 21 ans... au Canada. Il travailla à Vancouver, avec son ami d'enfance (qui, sans vouloir spoiler, bosse toujours avec lui) dans une pizzeria (l'une des meilleures du pays, tout de même), un fish and chips de bord de mer (où l'on réceptionnait le poisson encore frétillant), et un bistrot français. Le jeune converti revint vite au bercail, pour enchaîner les postes dans des brigades macaronnées. Jusqu'à obtenir la sienne propre, d'étoile (Loiseau Rive Gauche), et tout de suite fuir, le succès ? Plutôt Paris. Direction Lyon donc, avec l'ambition de convoquer à sa table ce qu'il se fait de mieux dans la région.
Électrisé par une purée d'oseille
Quand on débarque chez un ancien étoilé, a priori un resto chic, on s'attend à un cadre serré, millimétré, un peu fragile. Ici c'est plutôt franc : tables dénappées, plateau en noyer d'un menuisier du 43, plafond vert et maison, plancher en chêne, Opinel, vaisselle pour partie chinée à Montélimar. C'est Maxime et sa femme Hélène qui ont fait les travaux, avec la famille. C'est madame qui fait le service, et c'est Romain Sauvignet, un ami de toujours qui joue le second. Côté prods, aussi, on oscille entre la famille (les champis cueillis en Haute-Loire, le géranium rosat de la mère d'Hélène qui pousse à... La Réunion — pas de repli a-t-on dit) et les connaissances (lentilles d'Emmanuel et Marion, à Salettes, escargots de Philippe Héritier à Poisy, légumes du marché Saint-Antoine).
On ne va pas raconter la soirée 8 plats (56 euros) par le menu. Attaquons par le milieu : un superbe morceau de truite, élevée dans les eaux vives de l'Oron, dans le beaufortain, à peine cuit et pourtant hyper-fondant, électrisé par une purée d'oseille et une tombée de chou lacto-fermenté. Aussi, une aiguillette (rouge) d'un pigeon de Bresse cuit tout doucement et par intermittence à la braise, purée de foie, cuisse farcie, jus à l'antésite. Et finalement deux très beaux desserts de cuisinier (légers, sans biscuit, point trop sucré), l'un très végétal autour d'un sorbet à la reine des prés, un autre plus terreux, chocolat noir, crème fumée, crème flambée de whisky tourbé d'Isère. Avec tout ça : une centaine de vins, locaux, et naturels pour la plupart. Bien sûr tout n'est pas parfait (quelques portions trop petites ou une tartine de pain présentée comme un plat créent une inutile déception). Mais c'est sans conteste la (nouvelle) table où fêter le changement d'année. Rustique, car c'est son nom, est d'ailleurs quasi-complet jusqu'en janvier.
Rustique
14 rue d'Enghien, Lyon 2e
Tél. : 04 72 13 80 81
Du lundi au vendredi de 19h30 à 21h45