Soul sur Disney+ / Coréalisateur de "Soul", Pete Docter s'est virtuellement adressé à la presse française pour présenter sa quatrième réalisation de long-métrage au sein des studios Pixar. Trois questions, trois réponses...
En quoi votre approche a-t-elle changée de Monstres & Cie à Soul ?
Pete Docter : Quand j'ai commencé sur Monstres & Cie, je n'avais aucune idée de ce que je faisais — d'ailleurs ça n'a pas changé : je ne sais toujours pas ce que je fais ! Je me jette à l'eau. Faire un film, c'est un peu être bloqué jusqu'au moment où vous sentez que quelque chose prend : un personnage, un thème, un sentiment... Dans le cas de ce film, c'était plus un sentiment ou une circonstance de la vie. Chaque film est différent, et il faut avoir confiance dans le chaos inhérent, dans le processus créatif et ne pas arriver avec une idée préconçue : laissez aller et gardez en tête que personne ne sait ce que vous faites ; il faut simplement y aller.
Comment avez-vous décidé d'amener le jazz dans ce film ?
Au départ, c'était un choix esthétique : nous cherchions quelque chose de sympa à regarder. Depuis que le son existe dans un film d'animation, le jazz en a fait partie : si on pense à Betty Boop et nombre des premiers films de Disney, il y avait du jazz. L'énergie, l'esprit du jazz colle bien. Il y avait aussi cette histoire de Herbie Hancock racontant comment, au cours d'une tournée en Europe avec Miles Davis, il a joué une note tellement fausse qu'il était inquiet d'avoir anéanti tout le concert. Miles a juste pris son souffle, joué quelques notes et rectifié la note de Herbie. Cela lui a pris des années pour comprendre ce que Miles avait fait : il n'avait pas jugé ce qui était arrivé, il l'avait juste pris comme une nouvelle chose qui arrivait et en avait fait ce que tout grand musicien de jazz devrait essayer de faire ; le transformer en quelque chose de bien. Lorsqu'on a entendu cette histoire, on s'est dit que c'était exactement notre thème : nous sommes en train d'improviser notre vie, on ne suit pas un scénario. C'est exactement ce que le jazz raconte : vous ne jouez pas des notes, vous les improvisez tout en jouant. On sentait que le jazz avait beaucoup à nous apprendre sur l'histoire que nous racontions.
Vous avez aussi fait appel pour la musique à Trent Reznor et Atticus Ross, en particulier pour les scènes du “Grand-Avant“. Comment avez-vous travaillé avec eux ?
Nous avions entendu dire que Trent Reznor et Atticus Ross aimaient proposer des sketches au fur et à mesure. Donc nous leur avons donné certaines parties du film presque terminée pour qu'ils composent la musique qui accompagnerait ces images ; en retour, ils nous ont donné de petits sketches de démonstration. Par exemple, à la fin, quand Joe joue en direct, c'étaient cinq propositions complètement différentes, pour voir si l'une d'entre elles nous convenait. Tout en faisant la scène, nous prenions ces bouts de musique, on les copiait-collait, on prenait des idées qu'ils avaient pour cette partie du film... C'était très organique, une manière différente de travailler. Ensuite bien sûr, ils les reprenaient pour améliorer le son de nos montages. Mais la musique faisait partie du récit d'une manière qui était nouvelle pour nous, c'était très cool. Dès le début, ils semblaient avoir vraiment connecté avec le thème du film, essayant de raconter une histoire qui faisait vraiment écho à ce que nous voulions. Et c'est fondamental quand vous travaillez avec des artistes de vous assurer qu'ils sont sur la même longueur d'ondes que vous.