Rétrospective / Films, pubs ou clips, ses “joints“ ont enflammé les écrans dès la fin des années 1980 et leur esthétique a en partie modelé celle des années 1990. Moins prolifique depuis une quinzaine d'années, Spike Lee est revenu au premier plan avec "BlacKkKlansman" en 2018 et préside le jury cannois cette année. Le bon timing pour une rétrospective à l'Institut Lumière.
Il y a du Miles Davis chez Spike Lee. Comprenez : une conscience aigüe de son talent et des privilèges qu'il octroie lorsque l'on est issu d'une minorité visible politiquement ostracisée ; une carrière prolifique, la même excentricité tirée à quatre épingles, ainsi qu'une propension à l'indocilité et aux esclandres — ici, on dirait « à jouer les grandes gueules » — que seuls ne craignent pas de commettre les fils de bonne famille.
Cela ne l'empêche pas de s'attacher aux quartiers populaires à ses débuts — Do The Right Thing (1989), comme à des sujets éminemment politiques — Malcolm X (1992), Get on the Bus (1996), son prisme principal demeurant de représenter à travers l'Histoire une communauté afro-américaine qui l'est fort peu à l'écran. Produit par sa société 40 Acres & & A Mule Filmworks (pied-de-nez à l'indemnisation jadis allouée au esclaves affranchis), son cinéma forme la part visible de son travail, célébrée dans les festivals — mais boudée par les jurys, à son grand agacement —, l'autre étant constituée de réalisations plus courtes et commerciales dans le monde du clip et de la pub. Liée à l'univers rap, funk, basket (dont il est un fan inconditionnel), bref à tout ce qui façonne l'émergence des cultures urbaines, elle fait de Spike Lee un “influenceur“ esthétique avant l'heure. En France, la génération Kourtrajmé, et notamment Mathieu Kassovitz avec Métisse, savent ce qu'ils doivent à l'auteur de Nola Darling n'en fait qu'à sa tête.
Ayant touché à tous les registres et connu un peu de purgatoire, Lee a fait un spectaculaire retour médiatique en 2018. Au moment où nous rédigeons ces lignes, nous ignorons encore la programmation exacte du second mois de cette rétrospective. Mois durant lequel il sera prés(id)ent à Cannes, et où l'Institut Lumière délocalise ses projections sur la place Ambroise-Courtois pour l'Été en Cinémascope. Mises bout à bout, ces deux informations laissent espérer non seulement sa venue Rue du Premier-Film, histoire d'inaugurer une plaque à son nom sur le mur des cinéastes mais également pour présenter un (ou plusieurs) films en plein air.
BlacKkKlansman ayant déjà fait la clôture l'an passé, pourquoi pas une diffusion sur grand écran de Da 5 Bloods : Frères de sang (2020) son dernier long à ce jour, sorti sur Netflix ? Ou alors Do The Right Thing, cannois, et adapté aux atmosphères caniculaires — à condition que l'on distribue des parts de pizzas ? Fin du suspense le plus tôt possible, on l'espère...