Laiterie / Anaïs Duraffourg a fondé la Laiterie de Lyon il y a un an, dans une ruelle proche de la place du pont. Elle vend désormais ses yaourts et fromages dans une boutique attenante.
Paris, Bordeaux, Toulouse : des laiteries urbaines éclosent simultanément au cœur des grandes villes de l'hexagone. Souvent dans des quartiers populaires : la Goutte d'Or ou La Chapelle, Saint-Cyprien, Saint-Michel. Souvent ouvertes par de jeunes femmes — c'est le cas à Marseille, à Bordeaux et à Nantes. Et ici ? La Laiterie de Lyon est née à la Guillotière, coté 3e, dans la petite rue Montebello qui joint le tram' à la Fosse aux Ours. Anaïs Duraffourg l'a montée il y a un an, aidée à l'époque par Jean Bordereau, de la fromagerie des Trois-Jean, à Jean Macé. Dans une autre vie elle travaillait dans l'humanitaire, elle habita en Indonésie. Puis cette enfant de producteurs de Comté a bifurqué : direction Paris et une formation de crémerie-fromagerie. L'un de ses profs s'appelle alors Pierre Coulon, c'est un ancien éleveur de Notre-Dame-des-Landes qui vient d'ouvrir une petite laiterie dans le XVIIIe. Anaïs s'y forme : « Pierre est génial, il a une connaissance assez dingue et en même temps il a un projet social, militant même ». Elle revient dans le Rhône nourrie des mêmes idées : rapprocher la transformation du lait des rues de son quartier — ce coin de rue de la Guillotière, où « il n'y avait pas même de fromagerie ».
Un cousin du Saint-Félicien
La fabrication de fromage n'est pas une tradition urbaine, quoiqu'il existait une dizaine de laiteries dans l'agglomération, et que, durant un court laps de temps, au début du XXe siècle, il y avait une laiterie municipale dans le Parc de la Tête d'Or. Cette dernière était adossée à une étable hébergeant une quarantaine de bêtes. Anaïs, elle, achète son lait aux frontières de la métropole, à 25 km au sud, auprès de la GAEC Le Mas d'Illins. Comme son prof' parisien, elle a laissé les producteurs fixer le prix du lait, qu'elle achète 75 centimes le litre, plus de deux fois le prix du marché. Acheter au juste prix est au cœur de la démarche. On parle en effet d'une filière dans laquelle certains producteurs vendent à perte à de grands groupes laitiers. Tous les mardis, Anaïs réceptionne 400 litres de lait cru et bio. Elle en fait des yaourts, vendus dans de gros bocaux en verre consignés. Aussi du labné, yaourt égoutté, originaire de Syrie. Ou du skyr confectionné à partir de lait écrémé selon la recette islandaise. Surtout, dès qu'elle reçoit le lait cru, elle lance la production de ses Petit Pont. Un « fromage lactique », dit-elle, à pâte molle et croûte fleurie, affiné quelques semaines : un cousin du Saint-Félicien. Elle fabrique aussi un genre de halloumi et envisage qu'on puisse venir chez elle apprendre à faire de la mozzarella.
De la joie
Et les pâtes dures alors ? Elle aimerait s'essayer à la tomme, mais « les fromages sont faits pour être conçus à certains endroits. Il faut un environnement, une flore. Mais il faut essayer, s'amuser ». Car elle a de la joie, c'est visible, à faire cela. Et à expérimenter. Comme à produire du lait fermenté, durant le précédent ramadan — selon une recette améliorée avec l'aide de ses voisins. Comme à s'essayer à l'affinage, là-aussi sans prétention, de Comté, qu'elle achète en meules entières. Car en cours d'année, Anaïs a étendu sa fabrique, avec l'ouverture d'une boutique en lieu et place du local voisin, le Taj Tandoori abandonné. Ainsi outre sa propre production elle peut proposer une sélection de... fromages bien sûr, bientôt de petite épicerie. Elle conseille le Saint-Nectaire, « super en ce moment » et on repart avec un cube de Herve, seul fromage AOP de Belgique, à pâte molle et à croûte lavée, comme le Maroilles ou le Livarot. Un parallélépipède orange de 200 grammes : son coup de cœur. Quelque chose d'assez puissant, ferme, onctueux. Il parait que son goût est unique du fait d'une bactérie présente seulement là-bas, en Wallonie. Allez-y, et essayez.
Laiterie de Lyon
13 rue Montebello, Lyon 3e