Jeux vidéo / Jesse Sotomayor a fondé la première webradio de musique 100% issue de l'univers jeu vidéo fin 2021. 8beats s'est donné pour objectif de faire rayonner la richesse et la diversité des esthétiques musicales du genre, depuis Lyon.
Avant les jeux vidéo, c'est surtout la musique qui vous anime.
C'est vrai, dès l'obtention de mon bac pro graphisme, j'ai monté un petit projet de label de musique sur Soundcloud. Pendant plusieurs années, j'ai baroudé à Lyon, en organisant les soirées ''Touche française'' avec DJ Folamour et en mixant au cours d'une résidence au mois d'août dernier, au Super 5 [bar et club du 1ᵉʳ arrondissement ndlr].
Pendant le Covid, alors que nous étions confinés, on se partageait de la musique de jeux vidéo avec un ami, d'abord tous les deux, puis sur un groupe Facebook dédié.
Nous nous sommes demandé, ''pourquoi ne pas ouvrir le champ des possibles et monter une radio ?'' Il n'en existait aucune à l'époque. Et puis nous sommes à Lyon, une métropole marquée par la présence de nombreux studios de jeux vidéo, il y a une histoire liée à cette industrie.
Nous avons donc monté le site avec nos petits moyens pendant un an, et postulé à l'incubateur d'Hotel71 pour une seconde année qui vient de s'achever. Cependant, on ne vit pas d'une webradio. Mon ami a d'ailleurs quitté le projet récemment.
C'est quoi le concept ?
On essaye de réunir bon nombre d'amateurs et de passionnés autour d'un seul flux, constant. Une webradio sur laquelle il y a d'abord une programmation musicale, que j'adapte aux différents moments de la journée, un peu à la manière d'Animal crossing. Le matin, je propose des sons un peu énergiques comme de la folk, les après-midis sont plus jazzy, et les soirs c'est plutôt de l'ambient.
L'idée est de diffuser des sons un peu ''niche''. Je cherche des pépites, des sons oubliés, qui sommeillent dans les abîmes d'internet, ou sur des étagères, dans des disquettes poussiéreuses. J'en trouve notamment sur des sites spécialisés (comme Khinsider par exemple) qui recensent aussi les musiques de jeux qui ne sont jamais sortis. D'ailleurs le plus compliqué dans ce travail, est de trouver le titre du jeu et du compositeur ou la compositrice de chaque. Je cherche parfois pendant des heures, et si je ne trouve pas, je ne diffuse pas.
C'est aussi une radio collaborative, il y a une quarantaine de personnes qui ont leur propre émission, des gens qui travaillent dans l'industrie, comme les gars de DK.O Records, on discute avec des maisons d'édition spécialisées en jeux vidéo comme Third éditions, des journalistes, ou encore des passionnés. Tous bénévoles, le tout en anglais, car la radio a vocation à être écoutée partout.
Certains de nos ''résidents'' programment uniquement, d'autres proposent des chroniques, des anecdotes, ou interviewent d'autres personnes autour de la musique et du jeu vidéo. Par exemple, Hammock, programme des sons très lounge, très groovy dans son émission The last wave, et partage des anecdotes amusantes sur chaque morceau.
Quelles motivations guident le projet ?
C'est avant-tout de démocratiser un pan de la musique qui fourmille d'autant de talents que tous les autres. Même aux Grammys, il y a une récompense pour les compositrices et compositeurs de jeux vidéo.
Je me suis intéressé à la musique par les jeux vidéo, en jouant à GTA San Andreas notamment. Des premiers Tomb raider, à Spyro le dragon dont la bande-originale a été composée par le batteur de The Police, j'ai découvert des pépites qui ont été peu médiatisées, car le médium jeu vidéo est boudé, méprisé. Tant que ce dernier sera considéré comme un domaine abrutissant par une partie de la population il sera difficile d'en valoriser les musiques.
Je ne veux pas avoir l'air de remâcher de l'histoire ancienne, aujourd'hui on assiste quand même à un véritable éveil sur ces questions-là, une valorisation du patrimoine vidéoludique. À l'étranger d'abord, par exemple, la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Tokyo a été accompagnée par de la musique 100% issue des jeux vidéo.
La musique des jeux vidéo a aussi longtemps été contrainte techniquement.
Oui, des jeux comme Spyro ont été publiés au milieu des années 90, après l'arrivée du CD rom. La contrainte était donc seulement humaine, économique. La difficulté "technique" de composition existait pour les plus vieilles consoles comme la Super Nintendo, la NES. On parlait à ce moment-là de ''cheaptune'', des musiques à quatre pistes. Mais ce sont avec ces quatre pistes que des thèmes cultes ont été inventés, comme celui de Pokemon. Ce sont ce type de contraintes qui font ressortir le meilleur des artistes, qui ont été capables de donner une couleur, une épaisseur, des informations supplémentaires avec si peu.
A-t-on conscience de l'étendue du genre ?
Pas du tout, j'ai l'impression que plus on en cherche, plus on en trouve. Et surtout, c'est de la musique de jeux vidéo, mais ça pourrait être de la musique tout court. Quand on mixait au Super 5 avec mon ami au cours d'une résidence le mois dernier, les personnes n'avaient pas toujours compris qu'elles dansaient au son de musiques de jeux vidéo.
Le domaine est évidemment très influencé par les modes et la culture mainstream. Par exemple, il y a eu une grosse période drum and bass et techno. Quand le trip hop est apparu, le jeu vidéo a fait du trip hop. Aujourd'hui, beaucoup des ''gros'' jeux sont réalisés avec des instruments acoustiques. Parfois même des orchestres symphoniques, comme les derniers Zelda, les Assassin's creed, les derniers Final fantasy... Le symphonique est privilégié pour le côté épique, cinématographique.
On peut donc dire qu'il y a des ''Hans Zimmer du jeu vidéo''. Le plus connu est Nobuo Uematsu, qui a travaillé sur Final fantasy et qui a amené en premier la musique symphonique dans les jeux vidéo, mais aussi Koji Kondo, le papa de toutes les musiques marquantes de Nintendo, qui a réussi à traverser les époques et l'évolution des contraintes techniques de composition.
En règle générale, la musique de jeux vidéo est déjà partout, c'est juste qu'on ne la décèle pas. Le dernier son de Travis Scott avec Beyoncé, Delresto, a samplé un jeu indépendant, Ittle Dew. Gesaffelstein a samplé Call of duty et le rappeur Ziak a samplé Elden ring pour ne citer qu'eux.
Site officiel de 8beats : https://8beats.co