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Cirque, danse et musique / Il y a cinq ans, les acrobates de la compagnie XY et le chorégraphe Rachid Ouramdane dévoilaient "Möbius", spectacle vertigineux et généreux. Ils le reprennent cet été, sous le titre de "Möbius Morphosis", pour une poignée de dates exceptionnelles, dont deux aux Nuits de Fourvière. Avec cette fois à leurs côtés le Ballet de l'Opéra de Lyon ainsi que la Maîtrise de Radio France, chorale d’enfants qui chantera la composition de Jean-Benoît Dunckel, moitié du groupe Air. Reportage en coulisses avant les premières lyonnaises des 2 et 3 juillet.
« Monsieur, est-ce que je peux aller aux toilettes ? » Fin mai à Paris, dans l'immense foyer du théâtre national de Chaillot, face à la tour Eiffel majestueuse qu'on voit depuis les baies vitrées, une trentaine d’enfants et d’ados écoutent les consignes précises que leur délivre le directeur des lieux. « Ce n'est pas de la discipline, c'est de la sécurité. Si vous n'êtes pas au clair sur votre positionnement, c'est l'accident assuré » énonce de sa voix douce mais ferme le chorégraphe Rachid Ouramdane après que la petite troupe a traversé le plateau en chantant pendant que son assistante et lui figuraient au mieux les acrobates. « Toi par exemple, tu es passée sous mes bras, ce n'est pas possible. Car au même moment sur scène, il y aura des colonnes en train de se construire, tu ne pourras pas être si près des circassiens. »
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En 2019, Rachid Ouramdane dévoilait un spectacle qui, fort de son succès, tourne toujours : Möbius. Une création, dont le titre évoque le ruban du même nom et à une seule face, imaginée avec 19 acrobates de la compagnie XY afin d’évoquer les murmurations, ces fascinants nuages d’oiseaux que la science peine à comprendre. Cette réussite dans la tradition de ces grandes aventures de cirque contemporain qui restent longtemps en mémoire, l'artiste la reprend en ce mois de juillet, à Lyon, Annecy et Paris seulement, dans le cadre du programme culturel des Jeux Olympiques. Avec, sur le plateau, davantage d'acrobates de XY, mais aussi des danseuses et danseurs du Ballet de l'Opéra de Lyon et, donc, des jeunes chanteuses et chanteurs de la Maîtrise de Radio France – qui ont eu le droit d’aller aux toilettes !
« Quand j'ai rencontré Dominique Hervieu [la responsable de l’Olympiade culturelle, programmation artistique autour des JO], on s'est mis à rêver de projets singuliers, uniques, hors normes ; de spectacles qui sortent de l'habitude dans leur format, dans leur rapport au lieu, dans leur adresse au public » nous raconte Rachid Ouramdane dans la foulée de la répétition qu'il vient de diriger avec la Maîtrise de Radio France. Möbius est de ceux-ci. « Surtout que je sentais qu'on en avait encore sous le pied ; qu'il y avait un potentiel de prolongement. » Un prolongement imaginé avec beaucoup plus de monde et de disciplines que lors de la création en 2019, ce qui a du sens, assure-t-il. « Ce phénomène de murmuration, de bourdonnement chorégraphique qui me tient à cœur repose sur le nombre. Plus on est, mieux c'est ! »
« La poétique des corps »
Au téléphone (elle était en déplacement au Royaume-Uni au moment de l'interview), Sofi Jeannin, la directrice musicale de la Maîtrise de Radio France, assure avoir été « enthousiaste » quand Dominique Hervieu l'a mise en relation avec Rachid Ouramdane afin de rejoindre l’aventure. « J'ai tout de suite dit oui, mais il fallait qu'on soit convaincus que la participation de la Maîtrise amène vraiment quelque chose, qu'elle puisse apporter sa valeur vocale, sa valeur musicale. J'ai été très en confiance dès le début avec Rachid sur ce point. »
Le chorégraphe a pleinement intégré la chorale dans le spectacle, à l’image de cette scène où les jeunes chanteuses et chanteurs traversent le plateau en cercle tels des oiseaux. Cette participation active demande aux enfants de chanter sans partition la musique composée par Jean-Benoît Dunckel, moitié du groupe culte Air (voir ci-dessous), et, surtout, de mémoriser leurs déplacements comme les danseurs les circassiens qui seront à leurs côtés, pour un rendu final qui correspond pleinement à ce que propose Rachid Ouramdane depuis des années, lui qui a souvent travaillé avec des interprètes ne venant pas du monde de la danse. « Je chéris fortement cette poétique des corps, qu'ils soient âgés, jeunes, performants, débutants... »
À lui, ensuite, de composer avec les spécificités de chacun des artistes réunis sur le projet pour qu’il y ait cohésion. « C'est ce que je dis souvent : je ne vais pas demander à une soprane de chanter baryton ! L'idée est plutôt de tendre vers un langage commun autour de l'aérien. » Il invite ainsi les enfants à « chercher l'allongement », à s'imaginer à l'intérieur d'une nuée d'hirondelles ou encore à avoir constamment « le regard à l'horizon, ce qui donne une présence ».
Lyon, Annecy, Paris… et la télé !
Le spectacle sera créé à Lyon mardi 2 et mercredi 3 juillet dans le cadre des Nuits de Fourvière. Il jouera ensuite mardi 9 juillet à Annecy, sur la pelouse face au lac, puis du mardi 16 au jeudi 18 juillet à Paris, au Panthéon. Classe. Si les représentations lyonnaises sont payantes, celles d’Annecy et de Paris sont gratuites. Pour l’instant, aucune autre date de tournée n’est prévue après les JO, même si Rachid Ouramdane ne ferme aucune porte. À noter que le spectacle sera également diffusé mardi 23 juillet sur Culturebox (France Télévisions).
« Zone de danger »
Alors que l’après-midi de ce reportage n’étaient présents que les élèves de la Maîtrise (au vu de l’important dispositif, l’ensemble des artistes ne se retrouvera que fin juin), que verra-t-on début juillet, le soir de la première de Möbius Morphosis ? « De Möbius, on a retenu l'âme, l'ADN ; cette écriture par salves, par rafales, par morphing permanent. C'est comme ça qu'on a pu élargir certains motifs » explique Rachid Ouramdane. Sur scène à Lyon, il y aura 35 acrobates de XY, 21 jeunes chanteuses et chanteurs et, autre nouveauté par rapport à la version initiale, 26 interprètes du Ballet de l'Opéra de Lyon, compagnie avec laquelle le chorégraphe a souvent collaboré. « Avec les XY, on s'est dit que ça pourrait être bien d'avoir aussi des bourdonnements horizontaux pendant qu'eux investissent l'aérien. »
Bien qu’il soit arrivé à la tête de la formation lyonnaise après le lancement du projet (il la dirige depuis août dernier), le danseur Cédric Andrieux est, lui aussi, enthousiasmé par leur projet. « Fort de son identité néoclassique et contemporaine, le Ballet de l’Opéra de Lyon a toujours invité les créateurs d'aujourd'hui. Là, on est dans une rencontre démultipliée, entre des disciplines, des compagnies, et des âges différents... », contraignant à des répétitions croisant elles aussi les disciplines, à l’image de celles avec la Maîtrise. Les répétitions avec le Ballet de l’Opéra de Lyon ont été organisées par sessions, pilotées par trois acrobates de XY pour que les danseuses et danseurs apprennent notamment à « se décoller du sol ».
En parallèle, l’équipe a mis en place une préparation physique pour les interprètes avec, notamment, un kinésithérapeute qui connaît bien les XY précise Cédric Andrieux. « On a fait tout un travail au niveau du corps, des épaules, afin que personne ne se blesse. Car c'est peut-être ça le danger : certes il y a de nombreuses similitudes entre les danseurs et les acrobates, mais ils ne sont pas du tout formés de la même manière. On peut vite rentrer dans une zone de danger qu'il faut accompagner. »
Ce n’est pas forcément le grand spectacle et la performance que recherche Rachid Ouramdane mais plutôt la poétique du mouvement et ce qui en découle comme il le rappelle : « Ce ne sont pas tant les figures acrobatiques ou chorégraphiques qui m’intéressent en elles que ce qu'elles mettent en jeu : des notions de soutien, d'accompagnement, de soin, de précaution... Quand on voit un collectif en capacité de réaliser des choses que chacun de ses membres ne pourrait pas réaliser seul, c'est tout simplement magnifique. »
Möbius Morphosis
Aux Nuits de Fourvière mardi 2 et mercredi 3 juillet à 21h30
« Une œuvre globale de Jean-Benoît Dunckel qui invite à la contemplation »
« Quand ils m'ont annoncé que Jean-Benoît Dunckel ferait la musique, j'ai la mâchoire qui s'est décrochée ! » se souvient Rachid Ouramdane. « C'est quelqu'un qui développe des expériences musicales sur des durées longues, notamment pour des films, et c'est ce qu'il nous fallait : non pas une série de morceaux mais vraiment une œuvre globale qui invite à la contemplation. » Pour l’aventure hors norme qu’est Möbius Morphosis, Sofi Jeannin de la Maîtrise de Radio France a ainsi choisi une légende de la musique française, période French Touch, en la personne de la moitié du duo électro culte Air — groupe qui a d’ailleurs fêté l’an passé les 25 ans de son album phare Moon Safari.
« J'ai tout de suite trouvé que la musique électronique mariée avec les voix humaines était un médium intéressant à explorer. Surtout que la palette d'expression de Jean-Benoît Dunckel est très riche, diversifiée, avec des moments absolument contemplatifs, planants, et d'autres qui pulsent d'énergie » analyse Sofi Jeannin. De quoi donner une matière riche aux jeunes interprètes qu’elle dirige, et offrir au public des moments envoûtants.
Afin que les XY et le Ballet de l’Opéra de Lyon puissent travailler chacun dans leur coin, la Maîtrise a enregistré une version chantée de la bande-son ; version que Jean-Benoît Dunckel imaginerait sortir un jour en vinyle aux dires de Sofi Jeannin [les dates de sortie ont finalement été annoncées : le 5 juillet en numérique et le 9 août en vinyle]. En attendant, les jeunes de la Maîtrise l’interpréteront en live à Lyon en groupe réduit (à 21, comme certains d’entre eux passeront le brevet à cette période) puis à Paris au grand complet (53). Ils ne seront en revanche pas présents lors de la date annécienne.
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