Entretien / Avec "Le Roman de Jim", les frères Larrieu s'essaient à un nouveau registre et collaborent pour la première fois avec Karim Leklou. Cette adaptation de l'ouvrage de Pierric Bailly, impose définitivement l'acteur de "Bac nord" et "Vincent doit mourir" comme l'un des plus doués du paysage francophone. Un récit elliptique et touchant autour de la paternité qui se déroule sur plus de deux décennies. Rencontre avec Arnaud et Jean-Marie Larrieu et Karim Leklou.
Vous êtes-vous donné comme fil directeur de fuir le pathos, sans vous couper de l'émotion ?
A et J-M Larrieu : Nous sommes sur le fil. Nous ne voulions pas éviter les moments charnières de cette histoire, nous en avions conscience. En revanche, il fallait faire « bosser » le spectateur ! Au montage, nous avons cherché une forme de légèreté, une construction de l'émotion en deux temps. À l'arrivée, il y a peu d'épanchements de larmes.
Karim Leklou : Il y a de la pudeur, de l'humour, de la vie dans l'approche d'Arnaud et Jean-Marie... Ensuite seulement des événements bousculent les personnages et font émerger une émotion véritable, qui n'est pas travaillée artificiellement. À l'écran, les gens sont marqués mais ne s'apitoient pas.
Comment interprète-t-on un personnage sur une durée aussi longue à l'écran ?
KL : Aymeric (ndlr : son personnage à l'écran) ne connaît pas de grands changements psychologiques mais a une réelle évolution au fil des ellipses. Il fait face à la vie mais, comme les autres personnages, il n'est pas plus intelligent que le scénario. Cette absence de manichéisme ou de manipulation, permettait de pouvoir se concentrer sur le cœur des scènes dans une énergie de l'instant, de l'immédiateté. Accessoirement, nous avons commencé le tournage par la fin, nous avons pu construire à rebours les étapes précédentes, en connaissance de la tension finale.
L'ancrage très concret du récit était-il primordial ?
KL : Le personnage a une grande intelligence émotionnelle mais le film tient compte de sa réalité sociale, son train de vie modeste, la distance de l'Atlantique qui va le séparer de Jim...
A et J-M Larrieu : Nous stylisons pour le cinéma mais le roman contenait un degré de précision très détaillé tel que nous avons dû l'alléger en adaptant !
Vous avez évoqué Tendres passions de James L. Brooks parmi vos inspiration ? Quelle a été son influence sur votre film ?
A et J-M Larrieu : Dans Tendres Passions, nous aimions les micro-changements sur les personnages, comment faire passer beaucoup de temps avec juste des détails et les ellipses du récit tout en gardant une fluidité. Comme dans la vie, c'est en se retournant que l'on aperçoit que le temps est passé. C'est un film qui prend le temps de se mettre en place avant de cristalliser vers le mélo.
Le Roman de Jim
De Arnaud Larrieu, Jean-Marie Larrieu (France, 1h41) avec Karim Leklou, Laetitia Dosch, Sara Giraudeau, Bertrand Belin...
En salles le 14 août 2024.