Twenty feet from stardom

Twenty feet from stardom
Twenty Feet from Stardom
De Morgan Neville (ÉU, 1h29) avec Stevvi Alexander, Sheryl Crow...

Un formidable documentaire sur les choristes noires américaines qui, des années 60 à aujourd'hui, ont écrit à l'ombre de la célébrité une page de l'histoire musicale anglo-saxonne, de la soul au rock, mais aussi une page de l'Histoire américaine.Christophe Chabert

Les frères Coen l'ont montré dans Inside Llewyn Davis : l'histoire de la musique est faite de héros et d'anti-héros, de génies vénérés et de talents vivant dans leur ombre. Morgan Neville, avec Twenty feet from stardom, donne un contrechamp documentaire à ce postulat fictionnel, en s'intéressant à une génération de choristes noires apparues avec la mode soul des années 60.

Le film détricote ainsi la hiérarchie habituelle : la star qui place son nom au sommet des pochettes, les musiciens qui composent le groupe, le producteur qui griffe de sa patte sonore le disque et enfin les choristes qui ne sont souvent que la dernière roue du carrosse. Neville retrace leur histoire depuis ses origines : les églises évangéliques et le gospel, la plupart étant des filles de pasteur ayant découvert leur vocation dans les temples. L'apparition de la soul, sous l'impulsion de la Motown, du diable Phil Spector et de son fameux «mur du son», est comme la réinvention laïque du gospel, l'amour charnel remplaçant l'amour divin.

Mais ces filles restent des instruments au milieu des instruments, au mieux stradivarius vocaux traités comme tels, au pire — le pimp Ike Turner — simples potiches sexy assurant la part glamour des shows. Le réalisateur leur rend la parole et souligne l'importance de leurs contributions dont parfois, comme dans le cas de la sublime Darlene Love, elles ont été spoliées.

Black power

La dignité de ces femmes, qui ont traversé les carrières solo foirées, l'oubli et la galère après avoir goûté à la proximité du succès — comme Merry Clayton, fabuleuse partenaire vocale de Jagger sur Gimme Shelter — est en soi bouleversante, et offre un résumé inédit de cinquante ans d'histoire musicale.

Les Stones, George Harrison, David Bowie, Bruce Springsteen, Sting : tous finissent par faire entrer le son «black» dans leur musique blanche, et offrent ainsi un deuxième souffle à des choristes essorées par le taylorisme des producteurs. Le film montre ainsi ces inconnues revendiquer leur part du black power — stupéfiante séquence où Clayton explique qu'elle offre ses services à Lynyrd Skynyrd et à son tube réac' Sweet Home Alabama pour mieux l'enfler de ses dollars et les retourner contre ses idées.

Aussi riche en témoignages, archives et hits inoxydables qu'il soit, Twenty feet from stardom n'en oublie pas d'être aussi du cinéma, du vrai, qui magnifie à l'image ses divas de l'ombre et leur laisse le temps de raconter leur histoire personnelle, et raconter ainsi un pan de l'Histoire tout court.

Twenty feet from stardom
De Morgan Neville (ÉU, 1h27) documentaire

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