Un village déconnecté !

Un village déconnecté !

Il est vrai que je ne peux m'empêcher d'être nostalgique du passé, via le prisme évidemment déformé par l'odeur du pain perdu de mémé et par le sein joyeux de Madame Popietto. L'autre jour je me suis mis à rêver d'un village totalement déconnecté (moi le blaireau qui passe mon temps à faire des textes et des vidéos sur Internet, Voltaire disait « Il devrait figurer dans la Constitution française le droit de se contredire »). Un village en 2020 où on déciderait collectivement de couper la télévision, Internet et les portables. Dans les bars on écouterait la radio, y'aurait des flippers, on casserait la gueule aux œufs durs, on se décontracterait les moustaches à la gentiane, les gens causeraient, les gens s'engueuleraient même, ça pourrait s'terminer à la mayoche derrière « Le bar de la Poste » et bam un ramponneau dans la gueule marbrée du Jeannot. Pourquoi pas ? On irait au cinéma l'samedi s'revoir des nanars avec Jean Lefebvre, Bud Spencer et Terrence Hill, Rambo, Tango et Cash, Où est passée la septième compagnie ?, Arrête ou ma mère va tirer !, y'aurait la famille, les copains, on mangerait du pop-corn proposé par l'ouvreuse. Dans les ruelles les gens se croiseraient, papoteraient de la petite Nadine qui file du mauvais coton à fricoter avec la bande "aux frères Da Costa", du Gérard qui était encore truffé au match dimanche et qui a insulté l'coach, du temps qui d'vient fou ! « Oh tout s'barre en godasse ma bonne Nanette ! ». On danserait, « et des vrais slows américains même que ! » sur la place Francis Rachelon, les jumelles Dargoire auraient sorti les perlouses et les souliers vernis, ça devrait envoyer d'la brioche au four pour les Pâques ! A table on s'dirait des choses et personne n'aurait la fraise rivée sur son iPhone, on se promènerait en regardant les canards, le p'tit lac gelé derrière l'bois des pendus et on jetterait un p'tit coup d'œil furtif sur les meules poivrées de la Francine Bobichon ! Comme un air de musettes, de flonflons, d'yeux mouillés par la rosée, on réapprendrait la lenteur, gouailler dans la queue du boulanger, on passerait voir des gens à l'improviste pour s'faire « payer l'coup dis voir. ». Ce village s'appellerait Chardigny-Le-Boiteux, nous serions 1 286 villageois à vivre comme en 1982, on éternuerait dans des mouchoirs en tissu, la plupart des gens conduiraient en pantoufles, ce serait grandiose. Et puis voilà, on s'reveille, on ouvre les yeux, on consulte ses comptes Twitter, Instagram, Facebook et LinkedIn, on traite ses mails, ses textos, on rigole parce qu'on voit un Berger des Pyrénées jouer de la harpe avec ses noix, on s'bricole l'artichaut sur des sites très très pointus, on réserve en ligne un week-end en amoureux à Amsterdam et on se dit que finalement en plus du droit de se contredire il faudrait constitutionnaliser le droit de se plaindre...parce que ma vie moderne est bien loin d'être la plus degueulasse. Et puis après tout c'est bientôt l'printemps nom de Diousse, ça flaire déjà les olives et le pastis Henri Bardoin. Comme disait pépé en léchant son index pour le mettre au vent : « on n'est pas à l'abri de sortir nos glinches pour l'anniversaire du Matru ». Bonne arrivée du printemps mes Seigneurs.

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