Joël Pommerat offre une version du Petit Chaperon rouge épurée. Retour aux fondamentaux avec ce metteur en scène au travail limpide. A voir ou à revoir au théâtre de Vénissieux. Nadja Pobel
Tout le monde connait l'histoire du Petit chaperon, mais Joël Pommerat décide de la raconter comme si c'était la première fois. Il fait appel à un narrateur. Debout, droit comme un piquet, un peu sombre, omniprésent. Sa voix grave énonce : «La petite fille pensait souvent à la mère de sa maman. Elle y pensait tellement souvent qu'elle demandait si c'était aujourd'hui le jour d'aller la voir». Les dialogues sont économisés. C'est pour Pommerat un artifice peu nécessaire pour donner des informations. Le narrateur raconte ; les personnages, pantins désarticulés, incarnent. Transposé dans une époque qu'on devine être la nôtre, la petite fille n'a plus de chaperon ni de rouge sur les épaules ; elle s'ennuie, s'agrippe à une mère insaisissable, happée par une autre vie. Cette mère avance mécaniquement sur le plateau, trace de longues lignes en marchant sur la pointe des pieds. Un bruitage strident accompagne ses pas d'un claquement de talon. Pommerat dessine son espace scénique comme un architecte : un carré de lumière pour espace de jeu, deux chaises et des variations d'intensités d'éclairage pour construire une forêt, dire la balade insensée de la petite fille à la recherche de sa grand-mère, le troisième maillon féminin et générationnel de l'histoire.
La Peur au coin du bois
La peur rôde. L'histoire finira mal. Mais qu'importe, il faut s'y confronter. Pommerat oublie presque qu'il s'adresse à des enfants (à partir de 6 ans, dit la plaquette...) ou, en tout cas, il refuse d'adoucir ce conte cruel. Ce qui intéresse le metteur en scène, c'est la confrontation à la peur comme moteur pour oser affronter l'inconnu. Cette peur qui est aussi un désir, une curiosité au monde. Bien campée dans ses bottes, la petite fille n'a pas froid aux yeux, elle devient adulte en 45 minutes de spectacle. Face au loup, elle fait preuve de politesse mais ne lui céderai tout de même pas son flan : «Je ne l'ai pas fait pour toi» dit-elle fermement. Le vocabulaire est extrêmement simple et Pommerat ne dilue pas le récit dans des digressions inutiles. Créé en 2004, ce Petit chaperon rouge est le premier d'une suite de récits enchantés pour les enfants (Pinocchio récemment), des spectacles qui démontrent que le meilleur théâtre pour enfants s'adresse d'abord à tous les publics. Nul besoin de parler aux petits en restant au ras des pâquerettes.
Le Petit Chaperon rouge, mer 10 et ven 12 déc au Théâtre de Vénissieux
Reprise au théâtre de Bourgoin-Jallieu, au Toboggan de Décines, au Radiant de Caluire entre le 4 février et le 1er avril.