Au détail près

Elle dit n'avoir jamais fait que ça : dessiner. Camille Jourdy ne voulait pas faire d'études qui mènent à un "vrai" métier. L'école, ce n'était pas son truc. Elle n'a donc étudié que ce qu'elle aimait. Et aujourd'hui, elle parvient même à en vivre. Née à Dôle, dans le Jura, en 1979, dans une famille qui peignait et pratiquait la gravure sur bois, Camille Jourdy a grandi avec des rêveurs à qui elle ressemble. Mais derrière le tableau nonchalant qu'elle dresse, se cache pourtant une grande détermination. À force de ne pas renoncer à ce quoi elle aspirait, Camille Jourdy n'a pas perdu de temps. Le bac en poche, elle intègre l'école des Beaux-Arts d'Épinal. « Les écoles des Beaux-Arts sont très différentes les unes des autres, mais la plupart sont tournées vers l'art contemporain ; celle d'Épinal est petite, mais elle axe sa formation sur l'illustration ». Elle apprend donc les techniques du dessin et commence à créer un univers. Déjà, il est fait de multiples personnages qui se croisent sans se connaître. Ce ne sont pas des héros, plutôt des personnages ordinaires, souvent solitaires, qui s'inventent des histoires. Ses premiers travaux sont vite publiés. Lorsque, dans un salon de bande dessinée à Paris, les élèves des Beaux-Arts d'Épinal viennent présenter leurs travaux de fin d'études, elle a déjà une version imprimée de son projet sous le bras et le présente à un éditeur présent sur le stand voisin de l'école. Banco. Tu parles d'une vie ! Une araignée, des tagliatelles et au lit paraît en 2004 grâce à la coédition Drozophile / Quiquandquoi.

Trilogie

Elle qui « n'aimait pas les études » poursuit finalement avec bonheur sa formation aux Arts déco de Strasbourg où elle a pour enseignant illustrateur Claude Lapointe. Cette fois, c'est l'école qui exige de ses élèves de préparer durant une année un projet présentable à un éditeur. Elle n'a alors que le story board du tome un de Rosalie Blum mais c'est pourtant bien à une trilogie qu'elle s'attelle pendant quatre ans. L'illustratrice convainc Actes Sud, qui vient de lancer une collection de bande dessinée, de l'éditer. Et c'est le début d'une série de prix dont le Prix RTL BD 2009 qui lui offre une grande visibilité, et le prix Fauve de la révélation à Angoulême en janvier 2010 pour le tome 3. « C'est très flatteur de savoir que les professionnels apprécient mon travail mais je n'ai malheureusement pas pu aller recevoir mon prix à Angoulême ; j'étais enceinte de huit mois. J'ai encore du mal à réaliser que j'ai été lauréate car je travaille toujours de chez moi, seule à ma table ». Cependant, elle commence à accompagner de plus en plus ses livres. Elle était récemment en Espagne où le livre vient d'être traduit, comme en Italie. À la fin de l'année sortira une version allemande.

Juste du papier

Elle ne sait pas encore de quoi sera fait son prochain livre, mais elle ne cesse de dessiner (des affiches - fête du livre de Bron - ou des illustrations de livres pour enfants – Leopold - de Davide Cali). « Dessiner est une liberté immense. J'ai l'impression de jouer avec tous mes personnages, de me retrouver en eux et d'avoir tous les jouets que je veux : les protagonistes, les décors, les costumes... Tout cela est possible avec pas grand-chose : juste du papier ». Camille travaille sans ordinateur parce que, dit-elle, « j'aime le contact avec les couleurs ». Pour s'inspirer, elle prend souvent des photos des intérieurs chez ses amis ou puise ses idées chez elle : la théière de Rosalie Blum, c'est la sienne. « J'aime que les gens puissent reconnaître des choses, même une brique de lait ». En agrégeant sans cesse ces petits riens, Camille Jourdy crée une atmosphère singulière plus complexe que sa palette de couleurs lumineuses ne le laisse à penser au premier abord.