La vie secrète de Pépin et Olivia

La vie secrète de Pépin et Olivia
Camille Jourdy

Librairie La BD

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Avec son trait rond et ses couleurs acidulées, Camille Jourdy revient en librairie avec une nouvelle BD toute en délicatesse à l'instar de son grand succès « Rosalie Blum ». Les petits croix-roussiens « Pépin et Olivia » s'adressent à leur jeune génération et aux adultes avec une immense malice.

Il y a des rendez-vous qui se font doux. Ceux avec Camille Jourdy sont toujours aussi réjouissants. Depuis Rosalie Blum (prix Révélation Angoulême 2010 et décliné en 3 tomes), projet de fin d'études d'arts déco à Strasbourg, elle creuse son sillon : donner naissance à des personnages rêveurs, colorés et aux traits si peu anguleux que tout parait appartenir à un monde irréel tant il y a peu d'aspérités. Si la petite Jo des Vermeilles (primé à Angoulême et Montreuil) rencontre une famille de lutins et les suit dans leur univers, bien souvent Camille Jourdy s'appuie sur ce qu'elle observe et ancre son scénario dans le réel. Comme le salon de coiffure hérité du père par une jeune trentenaire dans Rosalie Blum ou une fête foraine et un repas familial dans Pépin et Olivia, à paraitre le 6 octobre.

« C'est normal que quand on est petit les plus beaux jours de la vie changent souvent »

Camille Jourdy intègre pour l'occasion la collection Les Ondines lancée par Dupuis l'an dernier. Nadja, Lucas Méthé, Lucie Lomova et Yoon-Sin Park l'ont précédé dans cette veine de roman graphique qui s'adressent aux enfants dès 7 ans. Presque toutes et tous ont un 2e volume à paraitre. Pépin et Olivia donnent leur nom à cet ouvrage de Camille Jourdy joliment sous-titré La grande fête de rien du tout du nom de la dernière des dix histoires qu'elle raconte et dessine sur quatre à huit doubles-pages avec d'habiles planches de transition qui font glisser imperceptiblement le lecteur·ice de l'une à l'autre. La sœur et son petit frère enchainent les mini bêtises qui font gentiment s'agacer les parents décroissants (« Ce serait sûrement mieux si on se contentait de moins » dit la mère en décorant le sapin de Noël). Mais dans cette famille croix-roussienne pur jus, il y a toujours une étrangeté qui surgit sans faire de bruit comme la rencontre avec le chien Kiki-Agnès qui fait de la trottinette croisé quand le père et le fils partent à la recherche du cartable perdu ou quand les enfants agrémentent la neige « qui n'a pas tellement de goût » d'un peu de crème et de sucre. La nourriture est à l'image de l'univers de Camille Jourdy : savoureuse et curieuse. Le père, plus dans la lune que Pépin, cuisine des cake thon-vanille et envisage – pour rire – un crumble banane-cornichon. Seuls les grands-parents savent ramener les enfants, en quête d'autonomie, au bercail par la simple odeur des crêpes. Et partager un moment de tendresse au lever du jour se fait grâce à un « petit déjeuner de cow-boy ». Si le mot n'était pas si laid et politiquement correct, on qualifierait le travail de Camille Jourdy de transgénérationnel. Elle a l'art de fabriquer du lien au sein d'une lignée et de jouer à entremêler l'enfance et l'adolescence comme dans cette immersion dans la fête foraine où la petite Samira, qui habite au-dessus du Paddy's corner et se balade devant le Jutard, laisse son grand frère Memet filer vers son amoureuse alors qu'elle vient de se blesser à la cheville. Tous les degrés de langage se croisent aussi à commencer par les plus jeunes pour qui faire une chose ou l'autre « ça compte pareil ».

Dans le train fantôme (le seul dessin en double page), dans la forêt, à la campagne, en plein jour ou la nuit (voire dans l'aube splendide), sous le soleil, la pluie ou la neige, dans les maisons de grands-parents ou l'appartement des parents, Camille Jourdy emplit ses cases de détails sans étouffer ce qu'elle semble vouloir faire apparaitre : cette vitalité inouïe de l'enfance à l'abri de grands fracas du monde, comme une forme de politesse pour grandir pleinement. 

Camille Jourdy
Pépin et Olivia, ed. Dupuis, 128 p., 19€
Rencontre à la librairie La BD, mercredi 11 octobre

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