Toutes les paillettes se sont évaporées dans les feux d'artifices (somptueux) du 8 décembre. Les théâtres doivent donc trouver d'autres moyens pour vous séduire. Et à l'Iris comme aux Célestins, on ne lésine pas sur un travail appliqué. Nadja Pobel
Avant même que les spectateurs n'aient pris place dans la salle, les Célestins sont devenus un gymnase. Voire une salle de concours athlétique. Échauffement, musique électro façon quart-temps de basket. Ne manque plus que les pom pom girls pour accompagner les pyramides humaines des acrobates de Tanger. En dix minutes ils font étalage de leur indéniable talent athlétique. Fort heureusement, assez vite, Martin Zimmermann rattrape par le col son spectacle Chouf Ouchouf ("Regarde, regarde encore") créé avec son éternel acolyte Dimiti de Perrot. De magnifiques scènes de précision et d'équilibre trouvent un peu de la grâce qui caractérise ce duo et dont manquent indéniablement les Marocains pour qui tout geste se déploie en force. La suite de cette heure est à l'avenant : des numéros contrôlés par les Suisses avec parfois des parenthèses que l'on sent insufflées par les acrobates comme ces scènes assez déstabilisantes car d'une totale véracité : un souk ou un pas de danse esquissée par une femme voilée avec un partenaire masculin à califourchon sur ses épaules. Une sacrée audace et même une transgression qui, le temps d'un instant, rappelle que la femme a encore de longs combats à mener dans les pays maghrébins qui les uns après les autres confient le pouvoir à des partis islamistes.
Songe d'une nuit d'hiver
À l'Iris, point de politique mais un défi théâtral de taille : adapter Amphitryon, pièce torturée et surréaliste de Molière qui, de surcroît, nécessite une grosse machinerie pour figurer les dieux Jupiter et Mercure qui se substituent aux très terrestres Amphitryon et Sosie son valet (dont le nom est devenu commun suite au succès de la pièce) afin de que l'un d'eux puissent profiter de l'étreinte d'Alcmène. Béatrice Avoine et Didier Vidal, metteurs en scène et acteurs les plus percutants de ce spectacle, emportent l'adhésion grâce à un juste équilibre entre un jeu très volubile et affirmé et une scénographie évanescente. Des projections continues (de forêts évoquant Egon Schiele, ou de planètes) habillent le plateau sans le dévorer. Des costumes noirs parfaitement taillés fixent les personnages dans leurs rôles (costumes impériaux des dieux, robes de soirée d'Alcmène, pantalon bouffant de Sosie...). In fine, voilà une belle invitation au songe pour un passage à la nouvelle année en douceur.