Ceci n'est pas un classique mais presque un soap-opéra théâtral qui emporte tout sur son passage. Avec "Le Cas de la famille Coleman", Claudio Tolcachir démontre une nouvelle fois que le théâtre argentin ne manque pas d'air. Nadja Pobel
On serait bien incapable de faire une amorce de thèse sur le théâtre sud-américain mais force est de constater que lorsqu'il vient (trop rarement) à nous, il laisse de beaux souvenirs. En 2007, la troupe brésilienne d'Enrique Diaz n'avait pas peur de détricoter les classiques Hamlet et La Mouette en portant les coulisses et la fabrication du spectacle sur le plateau du Théâtre national populaire. L'an dernier, l'Argentin Daniel Veronese, après avoir tâté lui aussi du Tchekhov, investissait la petite salle des Célestins avec aussi un dytique qui envoyait balader conventions et codes des glaciales et captivantes pièces d'Ibsen. Maison de poupée et Hedda Gabler se faisaient écho dans un décor de bande dessinée aux couleurs éclatantes, trop belles pour que ne s'y trament pas de drames. À chaque fois, ces créations ont eu en commun de redonner souffle et vitalité à des écrits dont l'extraordinaire modernité est parfois oubliée, étouffée par les metteurs en scène. Avec Le Cas de la famille Coleman, déjà passé par le TNP il y a dix-huit mois, Claudio Tolcachir ne s'embarrasse même pas de grand texte mais s'approche au plus près de la sève du théâtre argentin : des scènes de la vie ordinaire interprétées avec bagout et à toute allure.
Timbrés
Il n'y a pas de temps à perdre semble nous dire la compagnie Timbre 4. Le temps file, les gens se bousculent et se heurtent mais au moins sont-ils vivants et expriment-ils des émotions. Voici donc une plongée en huis-clos dans l'appartement de la famille avec la grand-mère mal en point, la fille et quatre petits-enfants déjà adultes. Ce n'est pas la luxuriance qui les étouffe, ils vivent chichement, se débrouillent avec de petites combines, s'engueulent souvent faute de savoir formuler des sentiments plus doux. Mais ils font front ensemble : des petites misères jusqu'à la maladie incurable de l'aïeule qui met en péril l'équilibre familial. Tout repose sur les comédiens à l'énergie décoiffante. Le texte, travaillé lors de longues séances d'improvisation, est mitraillé (2 heures en espagnol surtitré tout à fait surmontable même pour le moins hispanophone des spectateurs). Ce pourrait être du théâtre social ou même politique avec le risque que cela comporte de tomber dans le didactisme et d'adopter un ton professoral. Il n'en est rien. Le jeune Claudio Tolcachir (36 ans) apporte tout simplement une forme de théâtre connectée avec le réel, drôlissime, accessible à tous, et dont le souvenir reste longtemps vivace.