La galerie Chartier présente le travail tout à la fois léger et émaillé de cruauté de Guillemette Coutellier. Soit une vingtaine de dessins récents, invitant au rêve et à la dérive des sensations...Jean-Emmanuel Denave
Des êtres hybrides à têtes de lapin, de chien ou de crocodile peuplent le monde apparemment naïf et enfantin de Guillemette Coutellier. Ils surgissent sur des chemins de campagne ou se profilent sur fond de montagnes ou de collines... Les couleurs restent discrètes et pâles, le trait est simple et spontané. Le tout semble comme flotter sur le papier, la composition ne tenant qu'à un fil ténu, menaçant de craquer et de laisser éclater les figures aux quatre coins de la feuille. Parmi ces représentations à tonalité onirique, on est surpris, ici et là, de croiser un individu dans un bain de sang, ou un autre encore aux pieds tranchés !
«J'aime entretenir cette confusion entre la violence et la douceur», confie l'artiste. «Mon univers reste globalement onirique et l'on peut retrouver d'un dessin à l'autre certains motifs (les montagnes, des chaussures, une tête de lapin...), un vocabulaire... J'essaye de déplier les choses et, pour cette exposition, j'ai dessiné beaucoup de formes animales».
Aigre-doux
Née en 1976, vivant à Paris, diplômée de l'École Nationale des Arts Décoratifs, Guillemette Coutellier présente à la galerie Chartier sa première exposition personnelle, avec une vingtaine de dessins récents de tous formats. La jeune femme travaillait auparavant l'estampe. «Aujourd'hui, je pense avoir fait le tour de la gravure et je suis attirée par la couleur, même si je laisse encore beaucoup de blanc sur le papier. Je reste cependant marquée par la gravure au sens où je me pose toujours des problèmes de mise en page, de composition, d'équilibre entre les différents médiums utilisés (feutre, crayon, aquarelle...)». Ses œuvres aigre-douces s'avèrent d'une étonnante légèreté, tout en ménageant quelques déchirures ou failles qui inquiètent le regard, les sensations, qui ouvrent des gouffres d'inconnu...
Paradoxalement, l'artiste précise «ne pas avoir un rapport tragique avec mon travail. Je prends un réel plaisir à dessiner et je suis continuellement dans une recherche d'histoires qui me font rêver ou qui me perturbent. J'aime aussi quand des "trucs" absurdes semblent comme s'envoler dans des espaces simples, sur des plages de blanc ou des damiers marquant une perspective...». Ce bel accrochage est complété par la présentation de quelques estampes de Pierre Alechinsky et Bram Van Velde, deux autres grands expérimentateurs de formes.