C'est peu dire que l'expérience tentée par Roland Auzet paraissait minée d'avance : adapter l'exigeant et parfois opaque poète Christophe Tarkos avec un acteur sociétaire de la Comédie-Française, Hervé Pierre, et Pascal Duquenne, comédien révélé au grand public par un tonitruant prix d'interprétation obtenu conjointement avec Daniel Auteuil au Festival de Cannes en 1996 pour Le Huitième jour de Jaco Van Dormael. Pourtant, sur scène, ce dialogue entre un homme qui absorbe toute la parole et un autre qui s'exprime avec son corps, de la peinture et de la musique, prend peu à peu, avec une langueur donnant le temps d'apprécier et de disséquer les connivences qui naissent au fil du spectacle et finissent par fondre ces deux hommes en une seule entité.
Quand leurs mains se rejoignent, l'émotion est palpable, comme si ce geste était une première fois. À quoi tient une telle sensation ? Probablement à l'immense sincérité avec laquelle est construit ce spectacle dépourvu de la moindre once d'esbroufe. Mais l'honnêteté sans le talent ne serait rien, en l'occurrence celui de Roland Auzet, qui à force d'intuition et de travail réussit brillamment les projets radicaux qu'il mène.
Si le texte de Tarkos n'est pas toujours évident à suivre, au point de ne pas constituer une trame suffisamment solide pour porter les deux comédiens, ceux-ci puisent sur le plateau des ressources intrinsèques pour aller au-delà de la déconstruction qui anime Tarkos et, au contraire, se réunir.
Tu tiens sur tous les fronts
Au théâtre de la Renaissance, du mardi 19 au samedi 23 février