Le cinéma allemand, la musique allemande ou la gastronomie allemande, tout le monde connaît. La bande dessinée allemande en revanche... Jusqu'au début du printemps, une étonnante exposition en deux parties, l'une au Goethe-Institut, l'autre à la Bibliothèque Part-Dieu, invite à combler cette lacune.Benjamin Mialot
Les lecteurs de bandes dessinées sont aussi ouverts sur le monde qu'ils sont nuls en géographie. Pour eux, la planète se divise en trois zones : les États-Unis, la Franco-Belgique et Tokyo. Pas de bol pour la Chine, le Canada ou l'Italie, entre autres pays fertiles en publications séquentielles que ce découpage fantaisiste réduit à des cas particuliers. Pas de bol non plus pour l'Allemagne et c'est un comble car, comme le rappelle en introduction le catalogue de l'expo itinérante Comics, manga & co. - The new culture of German comics, conçue par le Goethe-Institut(et le journaliste culturel Matthias Schneider) et présentée en ses murs et au quatrième étage de la Bibliothèque Part-Dieu, elle fut l'une des premières nations à se piquer d'intérêt pour les «estampes littéraires» du Suisse Rodolphe Töpffer, premier théoricien européen de ce qui allait devenir le neuvième art.
Les amis allemands
Le principal intérêt de ladite exposition ne réside toutefois pas dans ce qu'elle raconte du développement de l'industrie de la bande dessinée allemande (il est de toutes façons expédié en un cartel), mais dans ce qu'elle montre de sa vitalité actuelle. Parmi les nombreux travaux (non-traduits) présentés, on s'attardera plus particulièrement sur les planches cosmologiques de Jens Harder, dont le titanesque Alpha (l'évolution racontée en 2000 vignettes) ne cesse, trois ans après sa parution, de nous estomaquer par sa rigueur scientifique et sa majesté graphique ; sur les chroniques familiales à base de cartes à gratter de Line Hoven, qui évoquent du Charles Burns en plus granuleux ; sur les strips enfantins et mélancoliques de Ulf K. (cf. Floralia, ou l'amour jusqu'au-boutiste d'un clown pour une fleur) ; sur les croquis au réalisme quasi documentaire d'Isabel Kreitz ; et sur les saisissantes mises en scène cinématographiques de Reinhard Kleist, auteur l'an passé d'une ambitieuse biographie romancée de Fidel Castro. Autant de reflets d'une production qui, si elle peine à franchir les frontières germanophones, n'a rien à envier à celles du reste de l'Europe question diversité formelle et profondeur thématique.
Comics, manga & co.
Au Goethe-Institut, jusqu'au vendredi 22 mars
Et à la Bilbiothèque Part-Dieu, jusqu'au 23 mars