L'artiste Vincent Lamouroux livre une brillante mise en scène d'œuvres d'art contemporain appartenant au FRAC. Mais oublie que ses jeux de formes gagneraient en épaisseur à nous parler du fond, voire tout simplement du sol.Jean-Emmanuel Denave
Il est toujours amusant de parler, de fêter du temps avec de l'espace. C'est en tout cas ce qu'a choisi de faire le Fond régional d'art contemporain Rhône-Alpes pour son trentième anniversaire en invitant Vincent Lamouroux (un «fabricateur d'espace», un sculpteur) à revisiter une partie de ses collections en les mettant en scène de manière originale. «J'ai voulu jouer avec l'architecture des lieux et, en imaginant ces boîtes blanches éclatées, ouvrir des points de regard et des points de fuite» dit l'artiste. L'architecture en question étant celle de l'Hôtel de Région, mise au point par le grand architecte français Christian de Portzamparc.
Un bâtiment raté qui semble n'avoir aucun sol, aucun ancrage, avec son impressionnant volume d'air dans l'allée centrale et ses petits et innombrables bureaux disposés en hauteur comme autant de nids d'oiseaux que l'on imagine peu douillets. L'Hôtel de Région plane et l'exposition de Lamouroux itou. Car pour faire de l'espace avec du temps (et la question est aujourd'hui cruciale : face à l'accélération du monde, on ne peut du coup se poser que des questions de lieu), encore faut-il justement un sol, un ancrage, de l'humus...
A l'abandon
Brillant, intelligent, scolaire aussi, Vincent Lamouroux fait des formes avec des formes, de l'art pour l'art aurait-on dit à une autre époque. Il rend hommage à ses maîtres minimalistes (Carl André, Richard Serra, Sol Le Witt...) ou conceptuels (Joseph Kosuth, Lawrence Weiner...) en leur construisant un bel écrin fait de modules baroques et de perspectives bizarroïdes. Trente artistes sont représentés avec, souvent, des œuvres séduisantes tel ce diptyque photographique de Patrick Tosani en «écriture de pluie», cette paire de chaussures abandonnée par Walker Evans ou cette ludique et phallique colonne de cordages métalliques signée Alighiero Boetti.
Au sol, comme on pouvait s'y attendre, les choses deviennent beaucoup plus problématiques avec des sculptures de Richard Long, Carl André ou Sol Le Witt qui s'effritent littéralement sur la laideur d'un atroce béton ciré. L'oeuvre ne tient plus ni toute seule - ô comme la fameuse autonomie moderniste a bien mal vieilli ! - ni uniquement en relation avec d'autres. Il lui manque une dimension, une dimension archéologique et signifiante peut-être. Et ce ne sont pas les nombreux miroirs exposés ici qui, en reflétant le visiteur, la proposeront. Car à la fameuse formule de Marcel Duchamp «c'est le regardeur qui fait l'œuvre», on a l'impression qu'a été substituée celle-ci : «débrouillez-vous».
Transformations
Jusqu'au samedi 20 juillet au Plateau - Hôtel de Région