Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse, dit le proverbe. À trop monter Cyrano, le public s'en lasse, pourrait-on ajouter. Car ce n'est pas de chance : à Lyon, il était possible d'entendre deux fois en quatre jours le somptueux texte d'Edmond Rostand. Et à l'inévitable jeu des comparaisons, il y a toujours un perdant et un gagnant. Aux Célestins dans une version dépouillée située en hôpital psychiatrique, dirigé par Dominique Pitoiset, Philippe Torreton, marcel sur le dos et crâne rasé, était un sublime Gascon, sans épée mais constamment en action, et la pièce une synthèse impeccable et très émouvante entre hier et aujourd'hui, soulignée d'extraits musicaux savamment distillés, jusqu'à un final bashungien inoubliable.
Sur la scène de l'Odéon à Fourvière, dans un environnement certes magnifique mais plus vaste et difficile à dompter qu'un théâtre à l'italienne, Patrick Pineau campe avec un talent indéniable le personnage au nez proéminent, au début avec une certaine distance, puis de plus en plus imprégné par le rôle. Georges Lavaudant, dont on a tant aimé ses Chapeau de paille d'Italie, Fil à la patte ou La Rose et la hache, dirige sa troupe avec une expérience qui ne trompe pas. Mais avec ses costumes d'antan et son décor en fausse herbe un peu cheap, il cristallise et enserre Cyrano dans l'époque de sa création, nous laissant un goût bien fade en bouche.
Nadja Pobel
Cyrano
Aux Nuits de Fourvière, mercredi 12 juin