The Tender Land est une œuvre millefeuille qui parvient à apporter de la finesse et de la douceur à un sujet tout à fait abrupt et cruel. Nous sommes dans le Midwest américain, dévasté par la crise économique qui sévit dans les années trente. Un couple de paysans ruiné, les Moss, s'est sacrifié pour payer des études à sa fille mais celle-ci, au moment de faire fructifier son apprentissage, préfère suivre deux vagabonds de passage. Tous les espoirs d'une vie meilleure s'effondrent alors.
Bien avant d'être un spectacle que Jean Lacornerie a créé en mars 2010 et qu'il reprend aujourd'hui, cet opéra fut écrit en 1954 par Aaron Copland, qui venait alors de découvrir Louons maintenant les grands hommes, livre pour lequell'écrivain américain James Agee et le photographe Walker Evans avaient intégré trois familles de farmers pour mieux dire leur quotidien. Marqué par deux photos – une femme d'une tristesse insondable et une jeune fille légèrement plus enjouée – Copland, associé à son librettiste Erik Johns, en tira deux actes ici restitués à diverses échelles. Il y a bien sûr les acteurs-chanteurs, mais aussi de petites marionnettes qu'ils manipulent (sous la houlette de la spécialiste du genre, Emilie Valantin) dans un décor miniature figurant la ferme, le tout étant retransmis simultanément sur écran géant. Ce décadrage permanent permet d'opérer différentes focales sur le travail minutieux et délicat des artistes, dirigés musicalement par Philippe Forget, et restitue avec justesse toute la complexité des sentiments qui traversent les protagonistes.
Nadja Pobel
The Tender Land, au théâtre de la Croix-Rousse, jusqu'au dimanche 9 février