Un nouvel instrumentarium, un nouveau répertoire, de nouvelles chemises, mais toujours cette extravagance communicative et ce souci du revivre ensemble : Oskar & Viktor, les Superdupont de la chanson française, sont de retour.Benjamin Mialot
On avait laissé l'impassible Oskar Aoko et l'agité Viktor Lekrépu, cet étonnant duo qui, au seul moyen d'un accordéon et d'une paire de voix complémentaires (limpide comme celle d'un barde pour celui avec des cheveux, auguste telle celle d'un chanteur de charme pour celui qui n'en a plus), transforme les standards de Johnny Hallyday en poèmes courtois du XVIIIe siècle et met au jour les racines jamaïcaines et tyroliennes de ceux d'Hugues Aufray, dans l'embarras. On le retrouve dans le même état, encore une fois contraint d'improviser un tour de chant dans l'attente du tourbus des Chœurs de l'Armée Rouge, du Philharmonique de Berlin et du Ballet du Bolchoï.
Pour autant, ce n'est pas sur le Je n'ai pas changé de Julio Iglesias que s'ouvre ce deuxième opus, mais sur une relecture façon cri de ralliement soviétique du Rouge de Jean-Jacques Goldman. Signe que Cédric Marchal et François Thollet, le metteur en scène et le musicien qui se cachent sous les chemises bariolées de ces faux ratés, n'ont rien perdu de leur loufoquerie. Signe, surtout, que c'est l'esprit conquérant qu'ils se sont attelés à l'écriture de ce nouveau récital rocambolesque.
Flûte alors
Vu la longévité de leur première «hontologie très sélective de la chanson française» (elle tourne depuis 1998 !), ils auraient pourtant pu se contenter d'en renouveler le répertoire - lequel inclue désormais, entre autres classiques instantanés (et parfois instantanément démodés), le truculent Tout est au duc deCharles Trénet, le bouleversant Avec les anges de Colette Renard et quelques digressions anglophones. A la place, nos Greil Marcus de baloche - comme chez l'auteur de Lipstick Traces, il est question chez eux de rendre visibles, ou plutôt audibles, les liens secrets qui unissent telle et telle œuvre a priori sans mesure commune - ont préféré repoussé leur art, aussi bien dans ses retranchements les plus burlesques que vers ses confins les plus sensibles.
Dans le premier cas, cela donne, avec le concours de Thomas Guerry (moitié de la compagnie de danse Arcosm), une surréaliste reprise à la flûte à bec et à la percussion corporelle du Billie Jean de Michael Jackson. Dans le second, un sidérant mash-up de berceuses sur fond de loops de ukulélé, que finissent par engloutir le refrain cauchemardesque du Sweet Dreams de Eurythmics et un brouillard de distorsion. Et entre les deux, une chanson en laisse composée à partir de plus de quatre-vingt tubes, qui soulève une fâcheuse question : leur sera-t-il possible de rendre plus vibrant «hommage collatéral» à la musique populaire que cette prouesse autant musicale que mémorielle ? Réponse, on l'espère, dans moins d'une quinzaine d'années.
Oskar & Viktor – Opus 2
A l'Auditorium de Villefranche, samedi 22 février