On dit que la vie ne tient qu'à un fil. Elle tient en vérité à une lettre. A une consonne (et cinq décennies) près, Joy Orbison aurait pu être un éternel amant éconduit, dont le coffre de baryton, vulnérable et pourtant chéri par des mâles aussi dominateurs qu'Elvis Presley et Bruce Springsteen, peinait à contenir les peines d'une vie en forme de malédiction. Né Peter O'Grady, ce Londonien âgé d'à peine un quart de siècle est en fait l'un des producteurs les plus représentatifs du syncrétisme propre à la scène électronique britannique des années 2010, depuis qu'il a combiné l'insouciance de la house et la subterranéité du dubstep en une musique aussi pulsative qu'expérimentale, suscitant au passage quelques heureuses vocations (notamment chez Disclosure).
Le morceau s'appelait Hyph Mngo et, cinq ans après sa parution, on ne sait toujours pas s'il se prête plus au popping (la fameuse "danse du robot") ou à un bon vieux fist pump. Des singles pareillement équivoques - basses résonnant sous le niveau de la mer contre claviers mappant l'horizon, rythmes mal dégrossis contre inserts vocaux clinquants -, Orbison en a une petite quinzaine à son actif, du curieusement tribal BRKLN CLLN au très intentionnel Ellipsis («We just used to like... do our own thing», y répète un sample du duo Source Direct), sans compter ses plus menaçantes collaborations avec son compatriote Boddika, marquées au fer gris de la techno (et inaugurées avec un Mercy d'une glorieuse répétitivité). Largement de quoi garnir un premier album qu'on n'en finit plus d'attendre.
Benjamin Mialot
Joy Orbison [+ Gerd Janson + Perrine]
Au Sucre, vendredi 28 mars