«Ton amant vient aujourd'hui ?» demande le mari à sa femme. D'emblée, en prenant pour protagonistes ceux d'un classique triangle amoureux, la pièce d'Harold Pinter semble limpide. Fausse route : le mari parti, l'amant arrive, mais se distingue de son rival par un léger changement de vêtement ; l'acteur est resté le même. Joue-t-il un amant si semblable au mari qu'il n'est nul besoin de le faire incarner par quelqu'un d'autre ? Le couple se donne-t-il un rôle ? Sont-ils à la fois amant et mari, maîtresse et épouse ? Pinter a beau décrire la seconde hypothèse, la mise en scène d'Olivier Maurin ne tranche pas, entretenant un flou aussi vertigineux que le sentiment amoureux ici mis à rude épreuve.
Dans un décor minimaliste qui dessine cependant un espace très concret, Maurin tend un miroir sur ce qu'il avait produit avec le très réussi En courant, dormez ! de Oriza Hirata (au Théâtre de l'Elysée cet automne), faisant exister un couple dans des petits riens, des silences et le grondement du monde - ici une implosion du couple à venir, auparavant une explosion due à des faits politiques. Dans les deux cas, les comédiens donnent à leur personnage une nonchalante contenance, tenue même lorsque cette cordiale entente commencer à dérailler. Clémentine Allain, déjà au casting de la pièce sus-citée, est passée maître dans l'art de gérer les répliques peu évidentes à manœuvrer, ces acquiescements à demi-mots qui, pourtant, font avancer la narration et pourraient l'emmener vers quelques passages chorégraphiés qui ne feraient pas tache dans cet univers faussement feutré.
Nadja Pobel
L'Amant
Au Théâtre des Clochards Célestes, jusqu'au samedi 5 avril