Amateurs de sensations fortes et de belle peinture, vous serez comblés par la nouvelle exposition du Musée des Beaux-Arts, consacrée au retour sur le passé de peintres du début du XIXe Siècle.Jean-Emmanuel Denave
Le Musée des Beaux-Arts effectue un double rétropédalage dans le passé avec L'Invention du passé, une vaste exposition qui «s'intéresse à la représentation de l'histoire dans les arts figurés en Europe au XIXe siècle, et plus particulièrement au regard porté par les artistes sur le Moyen-Âge, la Renaissance et le XVIIe siècle». Elle réunit concrètement deux cents tableaux, dessins et sculptures signés Ingres, Delaroche, Delacroix, ou réalisés par des Lyonnais comme Fleury Richard et Pierre Révoil.
Ce "genre historique" qui apparaît après la chute de l'Empire doit être replacé dans son contexte : l'intérêt pour l'histoire touche alors tous les arts (voir les romans de Walter Scott à la même époque) et, en France du moins, le retour aux grandes figures nationales semble panser les plaies de la défaite et s'inscrira plus tard (en faveur ou en opposition du reste) dans le sillage de la Restauration. Entre 1802 et 1850, les artistes ne se contentent donc pas de redécouvir l'Histoire, ils la réinterprètent, la tirent à hue et à dia selon leurs opinions politiques, mais toujours à travers des compositions d'une finition impressionnante.
De la tête couronnée à la chair nue
En cheminant dans les salles thématiques de l'exposition, on essaye de se mettre dans la tête de ces peintres qui, soudain, s'éprirent avec théâtralité et technicité des "grands" d'antan. Était-ce mieux avant ? Quand les amants se faisaient trancher la gorge par le mari jaloux, quand les opposants politiques trépassaient sur le billot ou quand les enfants de roi pourrissaient en otages dans une cellule ? Quand Marie Stuart lisait imperturbable sa condamnation à mort, quand Charles Quint ramassait humblement le pinceau du Titien ou quand François 1er pleurait l'agonie de Léonard de Vinci ?
Sur les toiles, le poison, les larmes, le sang des têtes couronnées coulent en effet à flots ininterrompus, avec force mise en scène et effets tragiques. Les œuvres sont souvent impressionnantes, mais l'on ne peut s'empêcher de penser que tout cela est trop boursouflé, grandiloquent, et ne pourra bientôt qu'éclater : avec Courbet, avec Millet, avec Manet.
Résolument modernes, nos yeux se sont donc davantage attardés sur les toiles des peintres troubadours lyonnais, aux compositions plus sobres et délicates, ou encore sur ce petit tableau délicieusement pervers de Delacroix : Louis d'Orléans montrant sa maîtresse (1826). Le duc d'Orléans y présente à son ancien chambellan le corps nu de sa nouvelle conquête sans lui en dévoiler le visage. Celui-ci, admiratif, ne reconnaît pas là sa propre épouse ! Quarante ans plus tard, Courbet cadrera de manière encore plus serrée une Origine du monde que certains refuseront aussi de percevoir et de reconnaître.
L'Invention du passé, histoires de cœur et d'épée en Europe
Au Musée des Beaux-Arts, jusqu'au lundi 21 juillet