«Le nombre de pages de ce livre est exactement infini. Aucune n'est la première, aucune n'est la dernière. Je ne sais pourquoi elles sont numérotées de cette façon arbitraire. Peut-être pour laisser entendre que les composants d'une série infinie peuvent être numérotés de façon absolument quelconque» écrit J. L. Borges dans sa nouvelle Le Livre de sable. Ce livre infini et contenant potentiellement tous les récits possibles, l'artiste brésilienne Marila Dardot l'a représenté de deux manières différentes et séduisantes : un livre ouvert composé de petits miroirs démultipliant le texte et un livre dont les pages s'enroulent sur elles-mêmes.
Exposition dans l'exposition, l'espace consacré aux livres d'artistes brésiliens rassemble au total une vingtaine d'artistes et s'ancre dans une longue tradition du pays. Résumant les quelques décennies d'histoire de celle-ci, Jacopo Crivelli Visconti (co-commisaire de cette exposition avec Ana Luiza Fonseca) écrit qu'elle oscille «entre le désir d'être lu et compris, entre celui d'être exposé comme un objet purement physique et sculptural et celui, enfin, de se libérer de sa condition de livre pour devenir "juste" une œuvre d'art». On découvrira ainsi des livres en marbre, des livres dans les livres, des livres à deux "dos" et qui ne peuvent s'ouvrir, des livres dont la forme entre en écho avec le contenu comme celui, très beau, de Lucia Mindlin, qui contient des images de mer et dont le volume se déploie comme une vague...
Beaucoup d'oeuvres renvoient aussi, bien sûr, à différents univers littéraires : celui des nouvelles labyrinthiques de Borges, mais aussi ceux de Julio Cortazar, d'Adolfo Bioy Casares ou de Robert Musil. Une des créations les plus saisissantes est signée Milton Marques (Stress, 2013) : un ouvrage quasi vivant au-dessus duquel s'agitent, dans un mouvement brownien, quelques particules minérales.
Jean-Emmanuel Denave
Livres d'artistes
Au Musée d'art contemporain, dans le cadre de l'exposition Imagine Brazil, jusqu'au dimanche 17 août