A l'occasion de l'achat d'une sculpture d'Etienne-Martin, le musée des Beaux-Arts présente plusieurs œuvres de l'artiste disséminées dans les salles de collection du XXe siècle. Jean-Emmanuel Denave
La politique d'acquisition d'œuvres du XXe siècle du musée des Beaux-Arts vise non pas à une représentativité exhaustive dont il n'aurait pas les moyens, «mais à la constitution d'ensembles forts autour de certains artistes». Après des œuvres de Poussin, Soulages, Ingres et Fragonard, il vient dans cette idée d'acquérir une imposante sculpture d'Etienne-Martin, Hommage à Brown (1988-1990). Un achat à hauteur de 230 000 euros, très largement financé par le club Poussin (180 000 euros), structure originale réunissant une centaine de mécènes.
On retrouve dans l'Hommage à Brown d'Etienne-Martin (1913-1995), à qui le musée avait déjà consacré une très belle rétrospective en 2011, la force brute de ses sculptures, où la figure sourd de la matière (ici du frêne peint en noir, blanc et bleu), faisant ainsi osciller l'oeuvre entre abstraction et figuration. Le travail de l'artiste et les traces de ses outils restent largement visibles, donnant l'impression d'assister à l'effort de la forme pour sortir, à sa poussée conflictuelle vers un état anthropomorphe. On y décèle aussi l'influence des arts primitifs, ici sous la forme globale d'un totem. L'œuvre est présentée aux côtés d'une étonnante sculpture de Jacques Brown, Etienne-Martin ou le Génie écrasant les envieux, les âmes et la médiocrité (1967-1974), sculpture en polyester assez surréaliste inspirée du bestiaire monstrueux de Lovecraft, écrivain admiré par les deux amis.
Une sauterelle au musée
Parmi les salles des collections du XXe siècle, le musée expose également une douzaine d'autres œuvres d'Etienne-Martin. Quelques dessins, quelques bustes sculptés à ses débuts, mais aussi plusieurs travaux majeurs ou particulièrement touchants. Au milieu de portraits de femmes peints par Maurice Denis, Suzanne Valodon ou Raoul Dufy, se dresse par exemple La Sauterelle (1933), plâtre sculpté représentant une femme nue. On découvre encore une Pietà (1945) poignante ou un Ecce Homo (1993) composé dans une grande racine d'oranger, l'une des dernières créations d'Etienne-Martin, où un corps ployé et peu distinct du bois brut semble traîner sa chaîne comme sur un chemin de croix. Enfin, une petite étude en fil de fer et ficelle trace un cube fragile et abstrait au milieu de toiles, elles-aussi abstraites, de Soulages, d'Olivier Debré et de Simon Hantaï. Un accrochage simple et réussi qui a le double avantage de redonner une visibilité aux œuvres d'Etienne-Martin et aux collections du musée.
Etienne-Martin
Au Musée des Beaux-Arts, jusqu'au mardi 16 septembre