Cette semaine à Fourvière, deux conceptions du cirque en collectif "s'affrontent". Celle, brindezingue, des Français d'Akoréacro. Et celle, harmonieuse, des Canadiens des 7 Doigts de la Main. And the winner is...Benjamin Mialot
«Le football est un sport simple : vingt-deux hommes poursuivent un ballon pendant quatre-vingt dix minutes et à la fin, les Allemands gagnent». Édictée par l'avant-centre anglais Gary Lineker au sortir d'une défaite accrochée face à la RDA en demi-finale de la Coupe du monde 1990, cette loi s'est confirmée aux dépens des Bleus en quart de finale de celle qui s'achèvera ce dimanche. On pourrait en imaginer une toute aussi fantaisiste et impitoyable pour le cirque : «Le cirque est une discipline simple : une dizaine d'hommes et femmes défient la gravité pendant quatre-vingt dix minutes et à la fin, les Canadiens gagnent». C'est le cas cette semaine à Fourvière, également au détriment de Français, à savoir le collectif indrien Akoréacro.
Klaxon, la création à onze têtes qu'il présente sous son propre chapiteau, ne démérite pourtant pas, notamment dans sa façon d'accorder prouesses physiques et musicales. Ici, un piano à queue sert de socle à des portés tandis que son interprète se révèle capable d'effectuer des sauts de carpe. Là, un homme fort se saisit d'un tuba tandis qu'un violon devient l'instrument de punitions clownesques. Les musiciens du Cirque Plume se contentaient de cachetonner ? Ceux d'Akoréacro sont autant de saltimbanques. Dommage que tout ce petit monde n'ait rien à raconter : nonobstant quelques accidents contrôlés attrape-touristes, Klaxon n'est qu'une succession d'acrobaties sans autre fil conducteur que l'incapacité d'un monsieur loyal à cadrer ses ouailles. Du bon cirque à l'ancienne donc, celui qui met de la magnésite partout et s'exécute en chaussettes rayées, mais pas grand chose de plus.
Sept sur sept
Traces, qui scelle, après les fantastiques Psy (en 2011) et Séquence 8 (l'année suivante), la troisième apparition à Fourvière des 7 Doigts de la Main, est tout le contraire, soit un spectacle où la voltige est un langage à part entière et, surtout, où le collectif est envisagé comme une somme d'individualités. Son postulat narratif ne dit pas autre chose : à quelques minutes d'une apocalypse, sept personnes recluses dans un abri de fortune mettent toutes leurs forces dans un déchaînement créatif censé les préserver de l'oubli. Entrecoupé d'inserts autobiographiques d'une adorable humanité, les numéros de mât chinois ou de roue Cyr (cerceau géant inventé par leur compatriote Daniel Cyr, du cirque Eloize) qui composent ce «I was here» corporel ne sont pas plus impressionnants que ceux présentés par Akoréacro. Mais ils dégagent ce souci de cohérence (jusque dans leur bande son, où Goran Bregovic côtoie Unkle, Radiohead ou John Zorn) et de grâce (minutieusement chorégraphiée) qui fait la différence entre les pionniers et les suiveurs. Traces est d'ailleurs un classique qui, depuis sa création en 2006, a été joué plus de 1500 fois à travers le monde – notamment à la Maison de la danse à l'automne 2012. Et il est impérissable.
Klaxon
Aux Nuits de Fourvière, jusqu'au dimanche 13 juillet
Traces
Aux Nuits de Fourvière, jeudi 10 et vendredi 11 juillet