Le CHRD expose une soixantaine de dessins (inédits et minutieusement restaurés) réalisés par Arthur Golsdmischt durant son internement au ghetto de Terezin. Une démarche fondamentale. Nadja Pobel
De peur que les disparitions de juifs célèbres (artistes, hommes de loi...) ne suscitent trop de questions quant au sort qu'ils réservaient à cette communauté, les nazis ont ouvert en 1941 à Therensienstadt (dans l'actuel nord de la République Tchèque) un ghetto, lieu de regroupement puis de transit vers les camps de la mort. Un ghetto «exemplaire» où, outre les élites intellectuelles, sont regroupées des personnes âgées.
Parmi elles, Arthur Goldschmidt, juriste de la bonne bourgeoisie de Hambourg, qui arrive en 1942 à 69 ans et en sortira miraculeusement vivant. Ce qui lui est "reproché" ? D'être juif par deux de ses grands-parents, selon les lois de Nuremberg, alors qu'il est aussi et surtout protestant – à tel point qu'il deviendra le pasteur du ghetto. Comme bien des gens de sa classe sociale, Arthur Goldschmidt a reçu une éducation artistique qui va se révéler précieuse à Terezin puisque, sur les feuilles volantes qu'il trouve, dans le carnet qu'il avait amené dans sa mallette, et avec un crayon graphite ou de la pierre noire, il croquera son environnement avec talent et précision.
2015 : 70 ans de la découverte des camps
À nous alors d'entrer dans cette exposition qui reproduit l'effet d'enfermement de cette ville ceinte de remparts à la Vauban. Au centre du dispositif imaginé par le CHRD, des visages nous regardent. Anonymes ou nommés, ils constituent la dernière image qui subsiste des victimes qu'ils représentent. Autour d'eux, dans des vitrines, se déploie leur quotidien dans toute sa terrible banalité.
Car dans les ghettos, il était possible d'observer la nature (voir ces dessins d'arbres et de lacs ultra réalistes) et même de s'instruire (le temps de séances musicales et de conférences). Il arrivait aussi, qu'on s'y ennuie, ainsi que l'illustrent ces croquis de personnes assises sur des poutres et regardant le temps passer.
Mais qu'on ne s'y trompe pas : ce qui s'est passé à Terezin était bien une énième barbarie. Là, l'intérieur des maisons dit la promiscuité et la maladie, qui tuera massivement les internés (33 430 périront sur place, dont Robert Desnos en 1945). Ailleurs, une file de silhouettes noires se détache à l'arrière-plan d'un dessin : probablement des appelés à la déportation qui mourront moins de 24h après leur arrivée à Auschwitz ou Treblinka (86 934 ont été déportés vers "l'Est", 83 500 n'en reviendront pas).
De ce douloureux héritage, le fils d'Arthur Goldschmidt, désormais français, a décidé de faire don au CHRD, non sans rappeler avec émotion et justesse qu'immédiatement après cette phase tragique de leur histoire, «les Allemands ont fait un travail de mémoire extraordinaire».
Le centre de la Résistance de Lyon aussi, grâce notamment au travail de la restauratrice Bérangère Chaix, qui a littéralement décrassé ces reliques à la poudre de gomme. Et c'est peu dire qu'en ce début d'année aux forts relents d'antisémitisme, la vision de ces portraits ayant survécu à l'innommable a quelque chose de salutaire.
Puisque le ciel est sans échelle, dessins du ghetto de Terezin par Arthur Goldschmidt
Au CHRD jusqu'au 28 juin