Il y a comme un «discours de la méthode» sous-jacent au travail de la photographe Claire Chevrier (née en 1963 à Pau, enseignante à l'École Nationale d'Architecture de Versailles). Et, pour paraphraser Descartes, ses images se manifestent à nos yeux de manière claire et distincte. Des images composées et construites avec une précision quasi chirurgicale. «Depuis plusieurs années, écrit l'artiste, les thèmes récurrents de mon travail sont liées à la mémoire, à la responsabilité, au pouvoir... Le corps et l'espace, les lieux et les traces en sont les motifs.»
Á Rome, à Charleroi, à Alger, Claire Chevrier pose son regard sur des paysages hétéroclites : des architectures contemporaines, des campements de fortune, des sites industriels, des ensembles urbains. Elle capte aussi, à travers une focale plus resserrée, quelques gestes ou signes d'ouvriers martelant la pierre ou de femmes de ménage nettoyant une table dans un intérieur en clair-obscur... Tirées dans des tons laiteux, les images de Claire Chevrier semblent désenchantées, désaffectées. Les plus perspicaces d'entre vous y percevront peut-être, ici ou là, une violence et une mélancolie sourdes..
La ville, les paysages périurbains, les intérieurs de bâtisses s'avèrent surtout ici autant de théâtres rationnels, de décors implacables où l'on se demande bien comment l'être humain parvient à s'y mouvoir, à y vivre, à y respirer... Après avoir parcouru l'exposition rétrospective de l'artiste au Bleu du ciel, le mystère reste entier.
Jean-Emmanuel Denave
Claire Chevrier
Au Bleu du Ciel jusqu'au samedi 21 mars