Le Plateau consacre au peintre lyonnais Patrice Giorda une belle rétrospective réunissant une cinquantaine de ses tableaux. Le paysage y est le thème dominant, espace du dedans bien plus que de la réalité extérieure et objective.Jean-Emmanuel Denave
Dans une petite salle sombre où est montrée une vidéo sur son travail, Patrice Giorda a accroché discrètement trois grands dessins érotiques où un couple copule crûment ! On pourrait s'étonner de la présence au Plateau de ces coïts expressionnistes alors que l'œuvre de Patrice Giorda est très largement consacrée... au paysage. Vues de Lyon, intérieurs d'internat, marines ou soleils couchants au Portugal, forêts de pins du sud de la France, bâtisses italiennes, où les couleurs parfois violentes percutent le regard, où la lumière en clair-obscur ou saturée donne consistance à ce que l'artiste appelle des «espaces de méditation»....
Mais cette contradiction n'est qu'apparente, car les paysages peints de Giorda sont pulsionnels, subjectifs, théâtraux. L'artiste travaille lumières et couleurs et y projette en même temps ses désirs, ses manques, ses souvenirs, ses vides et ses pleins. Paysages fantasmés et métamorphosés, "tableaux-miroirs" où l'artiste se mire et met à l'épreuve son propre corps comme sa propre psyché. Les masses noires de la colline de Fourvière renvoient à ses années de pensionnat et d'enfermement chez les Lazaristes, un escalier s'échouant dans une cour vide évoque la mélancolie d'une maison désertée, un banc rappelle la solitude et le silence...
L'espace du dedans
«En trente ans, ma peinture n'a guère changé, elle s'est approfondie. Ma manière de concevoir l'espace et la lumière que je porte en moi est restée inchangée. Au début, je peignais par grands aplats silencieux, puis peu à peu la matière a pris de l'importance et les coups de pinceaux se sont rendus plus visibles. Un certain expressionnisme contenu s'est libéré»
écrit Patrice Giorda.
Cet expressionnisme ne se résume point, fort heureusement, à l'expression d'une individualité close sur elle-même, mais s'ouvre à quelques thèmes universels et contemporains : la possibilité d'une spiritualité sans dieu, l'enfermement, l'angoisse, la présence au monde...
Admirateur des grands peintres classiques, marqué par les expressionnistes d'Europe du Nord comme Emil Nolde, Patrice Giorda cherche dans la peinture (dans son cadre comme dans sa matière) un espace subjectif où pouvoir respirer, méditer. L'exposition au Plateau en ouvre cinquante. Certains, souvent les plus fragiles et les plus dérisoires, s'avèrent particulièrement émouvants.
Patrice Giorda
Au Plateau (Hôtel de Région) jusqu'au 25 juillet