À ceux qui pensent – notamment nos gouvernants – qu'un licenciement (voire 2900) est moins révoltant qu'une chemise de cadre sup' déchirée, la vision de Hors jeu ne serait pas superflue. Car Enzo Cormann a écrit un texte (d'après un fait-divers allemand) qui résonne furieusement avec l'actualité et, plus globalement, fait écho à la violence du déclassement social.
«Il était une fois» un ingénieur fraîchement viré, protagoniste d'un cruel conte moderne qui, même avec la meilleure volonté de son interlocutrice à Pôle Emploi, ne pouvait que prétendre à un poste de technicien de surface. "Critères rationnels", "coach", "radiation" : les mots eux-mêmes sonnent comme des agressions, quand ils ne sont pas de risibles concepts ("employabilité", "gisement d'emploi"). Le personnage interprété par Vincent Lindon dans La Loi du marché n'est pas loin, bien que cette pièce adaptée par Philippe Delaigue soit antérieure au film de Stéphane Brizé – elle a été créée à Avignon en 2014.
Seul sur le plateau, Cormann est entouré de haut-parleurs dont émanent les voix de sa compagne, d'un dealer ou de sa conseillère. Orchestré avec intelligence et fluidité, ce dispositif parvient à la fois à rendre compte de la solitude dans laquelle le chômeur s'enferme progressivement tout en donnant chair à un entourage malmené par cet homme enragé. En tête Janis, délicate secrétaire que la force d'évocation du théâtre transfigure en un magnifique personnage sans visage.
Hors jeu
Au Théâtre de la Renaissance jusqu'au 23 octobre