Sortie repoussée pour le film "Made in France"

Sortie repoussée pour le film

Initialement prévu sur les écrans cette semaine, "Made in France" a été déprogrammé par son distributeur. Par dignité. Pour éviter d'être accusé de récupération. "Victime" immatérielle indirecte de la tragédie du 13 novembre, le film de Nicolas Boukhrief mériterait pourtant d'être largement diffusé dans les circonstances actuelles...

«Le premier qui dit la vérité...» chantait Guy Béart. Made in France n'est certes pas le premier film à aborder la question de la radicalisation islamiste. Au moment où cet article est rédigé, il se peut qu'il finisse par être encore moins vu que les précédents. Des films produits avec des bouts de ficelles, sortis en catimini et suspectés au mieux de fantasmer sur "les banlieues", sur le fanatisme ; au pire de faire le lit d'un extrémisme politique grandissant en instrumentalisant un contexte social calamiteux. D'user, pour faire court, de moyens sales à des fins douteuses.

Mais en réalité, comme pour Philippe Faucon avec La Désintégration, Made in France de Nicolas Boukhrief, a glacé par sa dimension non pas prophétique, mais simplement lucide. Par son effrayante clairvoyance. Son analyse brute d'une situation dont tous, nous refusions d'admettre la possibilité.

Sine die, ciné diète ?

Lorsque les attentats de janvier ont révulsé la France, le film, déjà tourné, s'est trouvé pris entre le marteau de la sidération et l'enclume de la réprobation. Qu'aurait-on dit d'un thriller politique musclé montrant comment s'agglomère en cellule prête à frapper Paris, un groupe de types nés en France et désœuvrés, subjugués par un illuminé soi-disant revenu d'un camp d'entraînement ? Craignant sans doute d'être taxé de "profiteur", le distributeur s'est retiré. Puis, le temps passant, les plaies cicatrisant, les menaces s'estompant, Made in France — dont le traitement rigoureux ne souffre aucune complaisance — a été à nouveau daté sur les écrans au 18 novembre avec, comble de malchance, une affiche stylisant une kalashnikov en forme de Tour Eiffel... Le 13, le surgissement de l'abominable esquissé par la fiction, a conduit à nouveau à son retrait.

Si l'on comprend la pudeur, la crainte de débordements ou d'être perçu comme provocateur (ce qu'il n'est pas !), le film ne doit surtout pas être sacrifié, au contraire ! Ce qu'il révèle des stratégies de séduction, du nihilisme de prédicateurs déguisés en dévots, et de la fragilité spirituelle dans laquelle macère toute une frange de la population, est plus édifiant et accessible que bien des discours. La télévision s'honorerait en permettant au film d'exister, prenant le relai des salles : car c'est maintenant qu'il faut le voir.

Made in France
De Nicolas Boukhrief (Fr, 1h34) avec Malik Zidi, Dimitri Storoge, François Civil...

à lire aussi

vous serez sans doute intéressé par...

Mercredi 28 août 2024 L’été aura été marqué par une haute fréquentation des salles à la faveur de mastodontes français (Le Comte de Monte-Cristo, l’irréductible Un P’tit truc en plus) et américains (Vice-Versa 2, Moi, moche et méchant 4, Deadpool et Wolverine), avant de...
Mercredi 29 juin 2022 Des légendes comme Testament ou Napalm Death, des valeurs sûres comme Hangman’s Chair ou Benighted, le tout sur trois jours avec de l’ombre pour se rafraîchir et un camping gratos : rendez-vous à la huitième édition du Sylak, dans l’Ain.  
Mardi 18 janvier 2022 Peut-être sera-t-elle capitale européenne de la Culture en 2028. Clermont-Ferrand, n’est pas que la ville-Michelin (même si l’entreprise est omniprésente) et lance sérieusement sa campagne en ce début d’année, au moment où le festival du court, le...
Mardi 14 février 2017 De 1958 à 1967, le parcours de la noire Mildred et du blanc Richard pour faire reconnaître la légalité de leur union à leur Virginie raciste. Histoire pure d’une jurisprudence contée avec sobriété par une voix de l’intérieur des terres, celle du...
Mardi 24 novembre 2015 La traque pendant 15 ans d’une jeune fille avalée par la mouvance radicale de l’islamisme, menée sans relâche par son père et son frère. Un drame familial aussi sobre que déchirant ; une plongée hallucinante dans 15 ans d’histoire immédiate et un...
Jeudi 21 mars 2013 En offrant sa carte blanche à Nicolas Boukhrief, Hallucinations Collectives renoue avec ses origines cinéphiles pour trois films sans concessions, dont le démentiel "Convoi de la peur" de William Friedkin. Jérôme Dittmar
Vendredi 2 avril 2010 Nicolas Boukhrief compose un néo film noir stylisé, bancal, mais au final pas inintéressant malgré ses faiblesses. Jérôme Dittmar

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X