Quand, en avril 2005, le TNG accueille Le Petit Chaperon rouge de Joël Pommerat, le metteur en scène débarque à Lyon comme la mère de la petite fille : marchant sur la pointe des pieds, mais faisant résonner le bruit de talons invisibles. Entendez par là : il arrive le plus discrètement possible, mais fait son effet.
Cette pièce est la première qu'il consacre aux enfants (suivront les sombres et néanmoins féériques Pinocchio et Cendrillon), mais il fait alors du théâtre depuis plus de dix ans et s'apprête à être invité du Festival d'Avignon l'année suivante. Acteur, il a rapidement cessé de l'être, à 23 ans, pour se lancer dans «l'écriture de spectacles» selon ses mots.
Du monologue Le Chemin de Dakar en 1990 à la création des Marchands en 2006, il fait ses armes, avant de rencontrer un succès qui ne s'est plus démenti. Associé aux Bouffes du Nord puis à l'Odéon, et désormais aux Amandiers-Nanterre, il crée à un rythme effréné des pièces d'une qualité constante, qui toutes creusent les paradoxes de l'Homme et la manière dont la mécanisation du travail le broie (Les Marchands, Ma Chambre froide, La Grande et Fabuleuse Histoire du commerce). Plus globalement, il s'intéresse aux errements de l'individu dans une société agressive (Cercles/Fictions).
La sphère personnelle n'est toutefois pas exempte de cauchemars et de déséquilibres, comme il le montre dans les deux parties du vrai/faux cabaret Je tremble ou du récent Réunification des deux Corées, sorte d'aveu d'impuissance quant à la réussite du coupl voire de l'altérité-même. Aujourd'hui, il déplace sa scrutation à la fois cinglante et bouleversante du monde qui l'entoure sur l'épisode historique de la Révolution avec Ça ira, fort d'une équipe artistique et d'une esthétique bâties au fil des années qui font qu'aujourd'hui Joël Pommerat est, à 52 ans, l'artiste majeur de la scène dramatique française.