Depuis plus d'un an, le metteur en scène Benoit Lambert trimballe partout sa version de Tartuffe (jusqu'au 12 mars au théâtre de la Croix-Rousse) relue à l'aune de la lutte des classes : celui qui est par ailleurs directeur du CDN de Dijon a voulu faire du héros moliéresque ce que Jouvet préconisait : « un garçon charmant, inquiétant et très intelligent » loin de la caricature bigote et du scélérat qu'il incarne parfois. Si cet imposteur s'immisce dans la famille bourgeoise d'Orgon, c'est pour bousculer l'ordre établi des puissants.
Tout dans le travail de Lambert cherche à élimer les apparences des nantis : leur intérieur en boiserie est en fait de pacotille, imprimé sur des panneaux... In fine, le retour à la morale n'a pas été modifié mais le prince ne moque pas le pauvre Tartuffe qui parait bien victime d'un système contre lequel il a tenté de lutter avec filouterie. Ajoutez à ce parti-pris des acteurs tous excellents et parfaitement accordés, des transitions menées avec brio et en musique jusqu'à faire résonner James Bond et voilà une adaptation aussi vive et maligne que Tartuffe lui-même. NP