Sans être désenchantée, la génération de Julie Deliquet regarde dans le rétroviseur via Brecht et Lagarce, avant de se coltiner à sa réalité dans un triptyque peu novateur sur le fond, mais épatant dans sa forme.
Trentenaire passée par le Conservatoire de Montpellier, l'École du Studio Théâtre d'Asnières et l'école de Jacques Lecoq, Julie Deliquet a trouvé en route des compagnons avec lesquels créer en 2009 ce collectif portant en lui la notion d'expérimentation, In Vitro. D'emblée, ils montent Derniers remords avant l'oubli dans lequel Jean-Luc Lagarce signe la fin des utopies : un trio amoureux ayant acheté une maison se retrouve flanqué et d'un nouveau conjoint, et de leur solitude, pour clore ce chapitre. Sans éclat, entre cynisme et lassitude, ces personnages sont justement interprétés ; sans trop en faire, par une troupe qui une heure plus tôt a démontré à quel point elle savait jouer collectif.
En effet, à cette échappée dans les années 80, Julie Deliquet a trouvé un prequel avec la pièce de Brecht, La Noce, qui tourne comme dans un film de Vinterberg, au règlement de compte à mesure que les verres d'alcool se vident et que le mobilier, construit par l'époux, se dézingue. La metteuse en scène parvient habilement à établir une tension au long court, évitant les trous d'air grâce à ses acteurs qui savent occuper l'espace et le temps sans jamais donner, ne serait-ce qu'un instant, une impression de brouillon.
Tant pis pour les victoires, tant mieux pour les défaites
En fin de parcours, après plus de 2h30, elle présente la version 90's : celle des descendants de 68 devenus bobos parisiens, partis s'installer à la campagne pour renaître ou s'enterrer, c'est selon. Vidéo et témoignages d'enfants à l'appui, elle questionne l'héritage en réunissant autour de la table (élément central et sommaire de ce triptyque) des quadragénaires désormais parents d'ados.
La famille et l'argent ne sont pas plus qu'hier les ingrédients d'un supposé bonheur après lequel chacun court. Souvent drôle, cette dernière partie ne nous apprend pas grand-chose sur nos condisciples, mais les regarde avec lucidité. Et donne surtout naissance à un collectif très uni, convaincant, que l'on aimerait voir partir à l'abordage de textes plus rugueux ou, à défaut, d'un grand classique comme celui que les Possédés – artistes qui leur ressemblent tant - ont récemment livré avec Platonov. NP
Des années 70 à nos jours, le triptyque
Au théâtre de la Croix-Rousse le samedi 19 mars
La Noce le mercredi 16 mars
Derniers remords avant l'oubli le jeudi 17 mars
Nous sommes seuls maintenant le vendredi 18 mars