C'est une histoire de grands frères un peu trop sûrs d'eux, protecteurs sans que l'on ne sache qui d'eux ou des autres ils cherchent à cajoler. C'est en fait l'histoire de l'Occident voulant éduquer — comme s'il en avait la légitimité — les populations d'Orient.
Des manifestations anti-colonialistes du 8 mai 1945 en Algérie se terminant en massacres (et entraînant l'engagement indépendantiste de l'écrivain Kateb Yacine alors lycéen dans cette ville) jusqu'aux révolutions arabes, Riad Gahmi et Philippe Vincent écrivent en pointillés, élaborent un enchaînement de séquences qui sont autant d'événements ayant émaillé ce récit croisé. Avec seulement quelques cartons — objet figurant le déplacement et l'exil — Philippe Vincent dessine une scénographie laissant libre cours aux mouvements, parfois chorégraphiés grâce à Florence Girardon, acolyte de Maguy Marin. Durant 1h20, dans ce spectacle créé en 2011, la diplomatie française «s'égare» en Égypte et en Tunisie ; l'immolation du vendeur à la sauvette à Sidi Bouzid, qui déclencha le Printemps arabe en décembre 2010, est particulièrement poignante sans allumer qu'aucun feu ne soit montré.
La place Tahrir, Sabra et Chatila, l'Afghanistan, Massoud, Moubarak, Ben Laden... tous trouvent leur place dans ce ballet moderne et tragique jusqu'à la formidable évocation du 11-Septembre en temps réel vécu via un compte à rebours, mené notamment par l'hôtesse de l'air de l'un des avions détourné par les kamikazes. À travers ce remarquable travail, metteurs en scène et auteurs, tous également acteurs au plateau de cette partition, refusent de céder à la caricature et pointent non seulement les travers de chacun des protagonistes mais surtout, in fine, la désillusion de tous avec cette invasion de GI Joe rampant sur l'une des comédiennes tels des insectes s'emparant d'un cadavre. Avant un ultime détour par l'histoire nauséabonde du nazisme, Gahmi et Vincent désignent, en vidéo, l'ennemi ultime : l'argent. Implacable. NP
Un Arabe dans mon miroir
Au Point du Jour jusqu'au samedi 26 mars (en arabe surtitré les 22, 24 et 26)