Au Bleu du Ciel : dire, voir, agir, hors les normes

Au Bleu du Ciel : dire, voir, agir, hors les normes
Philippe Bazin et Christiane Vollaire

Le Bleu du Ciel

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Le photographe Philippe Bazin et la philosophe Christiane Vollaire présentent au Bleu du Ciel trois projets issus de leur collaboration. Trois projets en mots et en photos visant à renverser l'ordre du discours comme l'ordre des perceptions, en inventant une nouvelle photographie documentaire.

« Comme le pouvoir serait léger et facile, sans doute, à démanteler, s'il ne faisait que surveiller, épier, surprendre, interdire et punir ; mais il incite, suscite, produit ; il n'est pas simplement œil et oreille ; il fait agir et parler. » Cette phrase tirée de La Vie des hommes infâmes (1977) du philosophe Michel Foucault, est sans doute l'une des clefs pour comprendre la démarche critique du photographe Philippe Bazin et de sa compagne la philosophe Christiane Vollaire.

Démarche qui se veut une alternative à ce pouvoir contemporain qui, comme ses "prédécesseurs" plus anciens mais sous des formes nouvelles, prête « des mots, des tournures et des phrases, des rituels de langage à la masse anonyme des gens pour qu'ils puissent parler d'eux-mêmes », et détermine des images, des postures, des points de vue.

Contre ces images et ses mots formatés, contre le ronron médiatique dominant qui les transmet et les entérine (voire les produit ?), Philippe Bazin nous dit vouloir essayer d'inventer une nouvelle « photographie documentaire. » Une photographie qui se fonde sur une longue période d'investigation sur le terrain et de nombreux entretiens avec les acteurs d'une situation, qui débouche sur des publications, des « projections d'images parlées » et des expositions, où la surface des mots est aussi importante que la surface des images (comme on pourra le vérifier au Bleu du Ciel).

Une redistribution de la parole et de l'image

Quand il rencontre, par exemple, des militants, des émigrés, des sans-papiers, Philippe Bazin dit ne pas rencontrer de simples « témoins » mais des individus qui sont « des acteurs de leur propre destinée. Les gens réfléchissent toujours eux-mêmes sur leur propre situation, ce ne sont pas de simples témoins passifs. »
Quand il s'entretient avec des émigrés dans un centre de demandeurs d'asile en Pologne, il leur demande par exemple : « Pourquoi êtes-vous partis ? Comment vivez-vous ici ? Que désirez-vous ? »

Questions prosaïques qui laissent interloqués certains agents de la police polonaise assistant aux échanges qui, soudain, découvrent une autre facette, une profondeur humaine, chez les demandeurs d'asile qu'ils côtoient. Le pouvoir, rappelons-le encore, n'est pas seulement affaire de domination ou de violence physique, il est surtout un certain type de "rapport" entre les individus. Rapport réglé par un certain type de discours et une certaine perception visuelle tissant les relations des uns et des autres. C'est ce rapport fait d'images et de mots, d'ordre du discours et d'ordre du perceptible, que veulent faire trembler Philippe Bazin et Christiane Vollaire.

Au Bleu du Ciel, ils présentent trois corpus d'images et de textes respectivement consacrés à un centre d'accueil ouvert de demandeurs d'asile en Pologne (et à une cellule d'un centre de détention), à un projet partant d'un livre de Russell Banks (bientôt invité aux Assises du Roman) sur la figure du militant anti-esclavagiste John Brown (1800-1859), et aux différents lieux de vie à Paris d'un jeune Afghan assassiné près de la Gare de l'Est.

Politiser l'esthétique

Cette nouvelle "photographie documentaire" mise ainsi sur l'intelligence et la pensée humaines : celles des protagonistes d'une situation donnée, celle des spectateurs d'une exposition. Mais Philippe Bazin n'en oublie pas pour autant l'esthétique et l'émotion inhérentes à l'art photographique en particulier, à l'art en général. « Comme l'écrivait Walter Benjamin, il faut politiser l'esthétique et non pas esthétiser la politique comme ont pu le faire les fascismes et un certain nombre de mouvements artistiques proches du fascisme comme le Futurisme italien par exemple. »

En clair, Philippe Bazin veut se démarquer de la position de l'artiste démiurge, position dominante de celui qui verrait le monde selon sa propre perspective de "génie", selon son style... comme les photographes James Nachtwey ou Sebastiao Salgado selon Bazin. Au contraire, l'artiste-Bazin propose un partage des compétences, de « prendre les gens comme ayant des compétences eux-aussi, et d'être ainsi à égalité avec eux. » L'aspect esthétique des images de Bazin devient alors l'écho artistique d'un état des choses, d'une situation, d'une expérience... celle par exemple de chambres de demandeurs d'asile où ceux-ci ont eux-même voulu leur donner un certain aspect esthétique particulier.

Début de siècle, une trilogie bazinvollaire par Philippe Bazin & Christiane Vollaire
Au Bleu du Ciel jusqu'au 4 juin

Autour de l'exposition

Chaque exposition de Philippe Bazin & Christiane Vollaire est pensée comme une ouverture à d'autres échanges, discussions, propositions. Trois rendez-vous sont proposés à Lyon :

Projection parlée inédite du travail Terre brûlée, réalisé à l'été 2014 en Bulgarie, autour du grand mouvement de protestation populaire et des immolations qui l'ont accompagné. À l'Institut d'Études Politiques de Lyon le mercredi 27 avril de 18h à 20h

Conférence avec les artistes et la CIMADE au Bleu du Ciel le samedi 14 mai à 18h

Conférence à la librairie Le Bal des Ardents, en présence de l'écrivain américain Russell Banks le mercredi 25 mai à 12h

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