Oubliez son discours survolté lors de la remise de sa Caméra d'Or à Cannes et considérez le film de Houda Benyamina pour ce qu'il est : le portrait vif d'une ambitieuse, la chronique cinglante d'une cité ordinaire en déshérence, le révélateur de sacrées natures.
Pour échapper au déterminisme socio-culturel, Dounia a compris qu'il fallait faire de l'argent — de préférence beaucoup et vite, quitte à emprunter des raccourcis illégaux. Et pour éviter d'être, à l'instar de sa mère, de la viande soûle entre les mains des hommes, elle a décidé d'avoir l'ascendant sur eux.
Plongée crue dans le quotidien d'une ado de banlieue, Divines complète sans faire doublon les regards de Kechiche (L'Esquive, La Graine et le Mulet) ou Céline Sciamma (Bande de filles) en reprenant quelques aspects et thèmes du conte merveilleux, tout en les détournant pour coller au réalisme — davantage qu'à la réalité. Ainsi, dans cette histoire où la domination du masculin sur le féminin est battue en brèche et où toutes les perspectives sont bouleversées, Dounia va par exemple séduire son prince et lui sauver la vie.
Rastiniaque !
Mais ce portrait d'une adolescente audacieuse capte aussi ce qui demeure d'indécision entre le reliquat d'enfance porteuse de rêves et l'état d'adulte, lesté d'une gravité prématurée. Sans père ni repaire, se cherchant sa place dans le monde, Dounia se montre encore versatile : dure et violente lorsqu'elle deale, elle s'octroie avec sa copine Maimouna des gamineries étonnantes donnant notamment lieu à une séquence joyeuse et surréaliste, totalement gouvernée par l'imaginaire.
Comme une dernière étincelle d'innocence avant l'entrée irrémédiable dans un monde dépourvu d'insouciance frivole. Avant le retour du réel aussi, comme un boomerang sardonique, conférant à la fin du film des airs de conte moral et non plus de conte de fées.
Divines de Houda Benyamina (Fr, int. -12 ans, 1h45), avec Oulaya Amamra, Déborah Lukumuena, Kevin Mischel...