Prostré, tournant le dos aux spectateurs, il a même un psychiatre à son chevet. Ce n'est pas le Knut berlinois, icône du zoo de la ville et mort en star, fatigué par sa captivité. Pourtant il est blanc comme lui. C'est même le dernier ours blanc et s'il est enfermé par les humains c'est précisément pour cela : le préserver.
Comment sont les idées qui lui viennent ? Noires. Va-t-il bien ? Non. Il n'échange pas, le bruit du vent qui souffle sur la banquise le laisse immobile... il est peut-être bien bipolaire (si ses congénères ne vivaient pas sur un seul des deux pôles, le Nord) ! Joli glissement sémantique imaginé par Frédéric Ferrer (auteur des cinq cartographies) dans cette création de 2014 qui est, en quelque sorte, une version enfant des conférences-spectacles. Après un temps de jeu et de fiction, retour au réel pour une parenthèse pédagogique, précisant qu'il reste en fait 25 000 ours mais l'idée est bien celle de la finitude.
Sur ce rythme binaire de fiction et réalité, Sunamik pigialik (« que faire » en inuit du Canada) progresse vers des solutions émanant d'un scientifique anglophone : il ne faut plus faire fondre la banquise, donc cesser de réchauffer la planète. Comment ? « En cessant de machiner des machins qui chauffent. » C'est la bêtise humaine qui est d'un coup fustigée, à commencer par celle des dirigeants, ces fameux « gens qui se rassemblent pour décider » mais ne décident pas.
Dans une scénographie efficace et simple, flanquée de panneaux d'images et de textes, Ferrer file son récit jusqu'à ce moment où il faudra créer des espaces séparés : des « camps de réfugiés à ours » voire chercher une exobanquise grâce une conquête spatiale ! Ce total dévoiement de l'échelle humaine et la perte de repères au nom d'une connaissance scientifique qui n'est plus au service de l'humanité est vertigineuse. Voilà ces notions accessibles aux enfants.