3 questions à... / Entre deux représentations au Radiant, Carole Karemera, seule femme de la distribution, a répondu à nos questions avec un plaisir induit par son bonheur d'être dans cette aventure historique qu'est Battlefield.
Avec quelles intentions Peter Brook vous a-t-il présenté cette (re)création ?
Carole Karemera : Il avait deux éléments : repartager avec le public français, de "l'ouest", l'histoire épique d'une autre partie du monde, une culture terriblement manquante ; et il y a ce désir de parler de ce moment après la bataille, le pourquoi de cette bataille aujourd'hui. Peter regarde l'état du monde dans lequel nous vivons. Il faut le questionner, le vivre, le traverser sans d'ailleurs avoir de solutions. Après la bataille... (NdlR : elle s'apprête à nommer des villes en ruine). En fait, non, je ne veux pas citer de lieu précis car il est question ici de toutes les femmes et tous les hommes qui traversent les guerres des semaines, des mois ou même un instant comme en France l'année dernière et cette année.
Est-ce que vous avez vu en vidéo ce Mahabharata pour travailler Battlefield ?
Nous, nous ne l'avons pas vu. Plus tard, au fil du travail, nous avons reçu des liens vidéo vers le film (NdlR, sorti en 1991). Chacun l'a vu quand il en avait besoin. Ce qui est très important, c'est qu'on s'inscrit dans une histoire humaine et une histoire théâtrale. Ça fait trente ans qu'elle existe ! On est dans une lignée de conteurs et d'artisans. C'est un héritage magnifique et imposant. Et puis il y a Toshi Tsuchitori, le musicien qui était déjà là en 1985. Il venait du Japon avec sa musique traditionnelle. Peter l'a envoyé aux quatre coins du monde et ils ont mis dix ans à faire ce spectacle ensemble. C'est encore très humble de faire ça aujourd'hui alors qu'ils pourraient tous deux se reposer sur leurs acquis. Ils regardent toujours cette œuvre avec la même curiosité.
Comment avez-vous appris à gérer cet espace vide ?
À la fois c'est nouveau de travailler comme cela et familier aussi. J'ai compris lors des répétitions la réflexion de Peter sur l'espace vide. C'est une aventure du dépouillement très intense, c'est étrange car on se demande où l'on va, on a besoin d'éléments, puis la confiance d'avoir été choisie, le plaisir de porter ce texte l'emportent.