Comme ses prédécesseurs, Lux a été pensé comme un tout. Mais comme ses prédécesseurs et au contraire des non moins étincelants Elements of Light de Pantha du Prince et Life Cycle of a Massive Star de Roly Porter, il n'est pas un concept album pour autant. Ou à la limite un concept album obtenu par rétro-ingénierie, cette activité qui consiste, par le désassemblage, à rendre intelligible pour un humain ce qui n'est d'ordinaire compréhensible que par une machine. Johann Guillon confirme : «Ce qu'on affectionne, c'est la recherche. Décortiquer les sons. On voit la musique comme un laboratoire».
Au départ, il y a donc une hypothèse, formulée ainsi : «On avait l'envie de revenir à une formule plus resserrée. Peut-être plus frontale aussi, plus brute. On ne savait toutefois pas ce que l'on voulait faire. Juste ce qu'on ne voulait pas faire». Pas de stoner, par exemple, entre autres pistes abandonnées au cours des trois difficiles années (en raison du départ de l'historique Matthieu Fays et de l'arrivée à la basse de Sylvain Joubert) qu'aura duré l'enregistrement du successeur de Barb4ry et Battlefield, dont il est en quelque sorte le lendemain, ce moment où un soleil rasant – qui prendra sur scène la forme d'un impressionnant mur-écran d'une cinquantaine de magic panels, des panneaux de LEDs sur pivot et équipés à l'arrière de plaques blanches – vient souligner en un clair-obscur confondant d'harmonie les atrocités commises la veille.
Si les machines du premier émettent encore quelques signaux de détresse, si les guitares du second canonnent encore quelques riffs incendiaires, c'est ainsi au service de ce que le groupe a produit de plus contemplatif et de plus contrasté à ce jour : du dub orbital (Zero Gravity, qui surclasse de quelques coudées-lumière les space operas de poche de Starkey), du trip-hop en quatre dimensions (Eclipse, où Laetitia Sheriff fait sa Beth Gibbons avec le talent qu'on lui connaît) ou du post-rock pour auditorium (le diptyque Born / Dead in Valhalla, qui rappelle les grands heures distendues de Mogwai).
Autant de croisements contre-nature qui, mis bout à bout, racontent le devenir forcément radieux d'une formation dont on croyait pourtant qu'elle avait tout essayé. Alors qu'elle ne cesse de prouver que tout reste à inventer.
Benjamin Mialot
Lux (Ici d'ailleurs)