Au mitan des années 90, une petite bande de Parisiens se prend dans le casque la house de Chicago, relecture robotique de la great black music des années 50 à 70 (soul, funk, disco), et en décline une version française qui deviendra le premier produit d'exportation musicale du pays. L'histoire est connue, jusque dans ses détails les moins glorieux depuis que Mia Hansen-Løve a entrepris de raconter avec Eden la face cachée de ce safari lunaire – pour reprendre le titre de l'un des disques emblématiques du mouvement.
A la même période, se fomente une autre révolution à la française, souterraine celle-ci, au moment où des musiciens d'obédience rock se mettent en tête de faire éclater les nuages psychotropes du dub en des orages instrumentaux. Leurs groupes se nomment High Tone, Zenzile, Kaly Live Dub, Brain Damage ou encore Lab° et, les pieds ancrés au sol pentu de la Croix-Rousse (là où le label Jarring Effects gravera ses initiales dès 1993) mais les oreilles tournées vers Londres, ils ont sondé l'univers des basses fréquences bien avant qu'il ne devienne l'Eldorado de la musique électronique. Cette French Touch-là, aucun cinéaste ne l'a encore racontée. Peut-être parce que son retentissement fut inversement proportionnelle à sa longévité, la quasi-totalité des ses représentants étant encore en activité : Zenzile vient de publier un magnifique guide sonore de Berlin – inspiré par le documentaire Berlin, symphonie d'une grande ville ; High Tone est revenu, après un détour opportuniste par le dubstep, à ses premières amours spirituelles, le long d'un sixième album (Ekphrön) remarquablement intercontinental ; Guns of Brixton a fini par assumer définitivement ses pulsions post-hardcore – sur le colossal Inlandsis, en 2012...
Mais celui qui s'y essayera le fera à coup sûr au son d'Ez3kiel, à la fois la formation la plus emblématique et la plus atypique de cette scène. Mais aussi forte, à l'instar du prophète homonyme et comme on vous l'explique ci-contre, d'une capacité innée à voir venir les choses, la plus ancienne.
Benjamin Mialot