Ils sont inclassables, inattendus et/ou trop beaux pour être vrais. Dans tous les cas, nonobstant toute comparaison avec ceux mentionnés par ailleurs dans ce dossier, ces dix concerts compteront à coup sûr parmi les plus mémorables de la saison. Stéphane Duchêne et Benjamin Mialot
Frànçois & the Atlas Mountains
La Vérité, il était temps. Depuis la sortie du splendide Piano Ombre, leur sixième album (eh oui !) à classer tout en haut de la pile des réussites discographiques de l'année, toutes catégories, nationalités, poids, sexes et habitudes alimentaires confondus, Frànçois et ses Montagnes de l'Atlas n'avaient pas encore trouvé l'occasion de venir. Fort dommageable quand on sait à quel point on a aussi affaire là à un démentiel groupe de scène. Voilà la chose doublement réparée. D'abord à Just Rock?, qu'on ne remerciera jamais assez d'avoir dégainé le premier sur ce coup-là. Ensuite, un peu plus tard, à Nouvelles Voix. La Vérité, ça fait plaisir.
Le 9 octobre au Transbordeur
Le 22 novembre au Théâtre de Villefranche
Morrissey
Hein ? Quoi ? Alors qu'on était paisiblement en train de lire sa cossue autobio dénichée à quatre pattes au rayon VO de Decitre, on en serait presque tombé de notre chaise : Stephen Patrick Morrissey, le Moz, lui-même, l'irremplaçable Castafiore des Smiths, l'auteur de certains des plus beaux textes de l'histoire de la pop anglophone, l'Homme-mystère à Caluire ? Au Radiant ? Ben oui. Un genre d'exclu provinciale – même si depuis il a rajouté une date à Nice, sans doute à la demande de Christian Estrosi, l'aminche à Bono – sur laquelle on s'empresse de sauter. Faut-il rappeler qu'on dit de Morrissey qu'il faut généralement être mort pour parvenir au statut d'icône qu'il a atteint de son vivant ? Alors bon.
Le 31 octobre au Radiant-Bellevue
Stand High Patrol
Rendons à Don Cavalli ce qui lui appartient. C'est en devisant avec ce bluesman qui ne voulait pas être un bluesma en préparation de notre Une de l'automne dernier qu'il nous a glissé le nom de Stand High Patrol, from Brest. S'attendant à quelque trésor inconnu de rockabilly underground – puisque c'est essentiellement la religion de Cavalli – on s'est jeté sur le machin. Surprise, il s'agissait de dub. On aurait pu s'arrêter là parce qu'en dub, on l'avoue, on n'est même pas ceinture jaune. Ce qui explique qu'on n'avait jamais entendu parler d'eux malgré treize ans d'existence. Sauf qu'on n'est jamais parvenu à se décoller leur Midnight Walkers, qu'on le porte comme un singe sur l'épaule et qu'il va nous conduire tout droit au Télérama Dub Festival. La vie, quoi...
Le 1er novembre au Transbordeur
Venetian Snares
L'attente suscitée par le nouvel album d'Aphex Twin, Syro, qui met fin à un silence discographique de treize ans, va-t-elle se dégonfler comme le dirigeable qui l'a promu ? A l'heure où sont tapées ces lignes, il est encore un peu trop tôt pour se prononcer. On sait en revanche que le dernier effort de son prolifique alter ego canadien, le seigneur incontesté du breakcore (musique accidentée et ultra-technique puisant sa libre inspiration dans le jazz) et arrangeur de cordes contrarié Venetian Snares, est un petit chef-d'œuvre de romantisme disloqué. Un de plus. Son titre : My Love is a Bulldozer. Déjà que l'avenir du Marché Gare était incertain...
Le 5 novembre au Marché Gare
ALB
Proche de Yuksek et des Shoes, avec lesquels ils forment une sorte de substitut musical à la grandeur passée du mythique Stade de Reims, Clément Daquin alias ALB a commencé par tâter de l'électro lo-fi et, surtout, par être trois avant de se mettre à son compte après le remarqué Mange-disques. Ensuite, seul le Champenois s'est pour ainsi dire découvert, sur le pléthorique Come Out! It's Beautiful, un sens mélodique aussi fin qu'une bulle de Cordon-Rouge. Si fin que via telle pub, tel film ou tel clip (Golden Chains), l'un de ses morceaux vous est forcément passé entre les oreilles sans même que vous vous en soyez aperçus. Vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas.
Le 6 novembre au Transbordeur
La Coka Nostra
A Brand You Can Trust. Tel était le titre, en 2009, du premier album de La Coka Nostra, supergroupe de gangsta rap new-yorkais (i.e. grassouillet et rouleur de mécaniques) né des ruines de House of Pain – qui dix-sept ans plus tôt actualisait le mythe de la sirène avec l'inoxydable Jump Around. DJ Lethal et ses homies n'ont fait que l'honorer depuis, alignant les morceaux de bravoure explicites avec un sens de la pose à faire passer Cypress Hill (dont ils sont proches) pour des vendeurs de churros, et survivant même à la défection au micro d'Everlast – qui avait déjà précipité l'effondrement House of Pain, le sagouin. Cette année, l'armistice va sentir la poudre.
Le 11 novembre au Warmaudio
Deltron 3030
«Tout seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin» clame la compagnie de cirque XY à la fin de ses représentations. «Pas faux» pourraient lui rétorquer le productor for hire Dan the Automator (le premier Gorillaz, c'est lui), le virtuose des platines Kid Koala et le rappeur Del the Funky Homosapien, eux qui sous le nom de Deltron 3030 sont allés jusque dans un lointain futur pas très beau à voir. Ils en ont ramené, en 2000 et treize ans plus tard, deux concept-albums en forme de paraboles SF à plusieurs voix (Damon Albarn, Mike Patton, Zack De La Rocha...) et autant de plaidoyers pour un hip-hop à la fois ambitieux et indocile. Concerts orchestraux à l'appui.
Le 21 novembre au Transbordeur
Peter Gabriel
Il y a deux ans, Peter Gabriel a fêté le 25e anniversaire de son plus grand succès discographique : So, réédité avec notamment en bonus son fameux Live in Athens, choc de jeunesse positivement non cicatrisé de votre serviteur. Puis Gabriel de repartir sur le route avec son groupe originel (David Rhodes, David Sancious, Manu Katché, Tony Levin) pour rejouer l'intégralité du disque (Sledgehammer, Don't Give Up, In Your Eyes...) plus, bien évidemment, de grands classiques. Deux ans plus tard, le So Live Back to Front est toujours sur la route et fait étape à Lyon. Comme tout bon concert de l'ancien leader totalement timbré de Genesis (avant que Phil Collins ne salope tout) et grand promoteur de la world music, c'est inratable.
A la Halle Tony Garnier, mercredi 26 novembre
Breton
Et de cinq concerts lyonnais pour Breton. Après l'Épicerie moderne en 2012, Nuits sonores et le Kao l'année suivante puis les Nuits de Fourvière en 2014, c'est cette fois au Marché Gare que se produira le collectif londonien. Quasiment à domicile donc. On ne peut que s'en réjouir : sept mois après lui avoir consacré la Une de notre numéro 743, on reste sidéré par l'adéquation entre sa digital pop pour soirée cocktail Molotov (audible à ce jour sur deux albums aussi formidablement tendus et casse-cous l'un que l'autre, Other People's Problems et War Room Stories) et les remous technologiques et sociaux de l'époque. Pré-apocalyptique, l'époque.
Le 27 novembre au Marché Gare
Ez3kiel
Depuis le temps qu'on se dit qu'Ez3kiel aurait toute sa place à la Fête des Lumières (cet été au château de Candé, le groupe a tout simplement fait voler en éclats violacés les limites poétiques et techniques du mapping), voilà qu'il s'apprête à éclipser sa prochaine édition. Trois jours après l'extinction des feux virginaux, le plus électrique des groupes de dub présentera en effet son sixième album (sans compter les captations de ses diverses tournées symphonico-steampunk), Lux, présenté comme un retour à ses sources électroniques. Et il a suffi d'un teaser scénique de deux minutes pour qu'on s'attende à être aussi ébloui que par Pantha du Prince et le Bell Laboratory.
Le 11 décembre au Transbordeur