Entretien / Avec une galerie de trognes allumées et alarmantes, Manuel Sanchez possède un univers aussi paillard que cultivé. Décryptage en règle de sa philosophie artistique.
Qu'est-ce qui vous amène à rédiger une histoire ?
Manuel Sanchez : Seuls les personnages me mènent à l'écriture et je leur porte un regard fraternel. Je ne cible pas, mais je souhaite parler franchement. On est tous à un moment donné pitoyable dans la vie (rire). J'essaie de traduire nos petits et nos grands maux avec la comédie. Je ne pouvais pas en écrire une qui réponde aux canons de la comédie de divertissement ou du film social misérabiliste disant que les pauvres et les ouvriers souffrent. Une comédie permet de mettre des éclats, des étincelles et de l'énergie. La négativité vient en revanche de la dramédie et sa triste réalité. Mais je ne voulais pas m'y embourber.
Comment voyez-vous le personnage complexe campé par Pinon ?
C'est un idéaliste qui devient obsessionnel, comme tous les idéalistes, et qui peut passer du meilleur au pire. Tout au long du film, c'est une victime. Mais cette dernière peut aussi commettre un acte grave. Souvent, dans les scénarios, il y a du manichéisme car on réduit les choses à un concept : le gentil d'un côté et le méchant de l'autre. Pourtant, chaque être humain demeure d'une complexité hallucinante. Je ne suis pas le juge de cette histoire. J'observe comme le journaleux dans le film, même si j'ai mon opinion.
Avez-vous une approche plus journalistique que politique lorsque vous concevez un film ?
La politique-spectacle m'emmerde, car on a trop starifié les candidats. Je pense que les gens qui font de la vraie politique sont ceux qui pratiquent de la permaculture, qui développent des projets dans leur coin et dont on ne parle pas : la société civile. Au cinéma, avec les subventions, on est déjà soumis à une autorité supérieure. Certains peuvent en faire une profession ; ce n'est pas mon cas. J'ai fait un documentaire Voyage en Rimbaldie (2007) et j'avais seulement ma caméra, mon montage et des gens qui passaient devant chez moi. Je ne suis pas dans le système : je fréquente des ouvriers et des gens qui ne vont jamais au cinéma.