Peinture / Le Musée des Beaux-Arts remet au devant de la scène le peintre Édouard Pignon, en se concentrant sur une période où son œuvre bascule et s'émancipe, lors de séjours au port d'Ostende en 1946.
Au début de l'exposition Édouard Pignon (1905-1993), on découvre son Olivier noir (1952), qui frappe par son aspect à la fois tragique et physique. Ses longues branches noires se courbent et se tordent, laissant apparaître au milieu de l'arbre comme une blessure de lumière et de peinture blanche. La figure est entourée de gris, alors que des couleurs plus réalistes se devinent en arrière-plan, comme prise dans un halo la séparant du reste du champ pour l'en arracher et l'offrir au regard.
Dans des écrits parus en 1966, Édouard Pignon note : « D'abord mes premiers oliviers sur nature ressemblaient à mes voiles d'Ostende. J'ai essayé de travailler avec plus d'exactitude, si l'on veut. Et c'est là que j'ai ressenti une sorte de désir d'appréhender davantage la réalité. Et par là une autre manière de concevoir l'espace, à cause de cette précipitation des volumes, des ouvertures des branches qui se pressaient l'une sur l'autre parce que je me plaçais très près de l'olivier : méthode que j'ai toujours conservée. »
Réalisme atypique
L'exposition débute par un olivier et, si l'on veut, par la fin, car ce n'est qu'ensuite que sont présentées ces fameuses voiles d'Ostende, représentations tout à la fois réalistes, mouvementées et cubistes, du port belge d'Ostende où le peintre séjourna lors de l'hiver 1946. « Il y avait dans ce port une atmosphère délicate qui me plaisait énormément. J'étais saisi par une sorte de balancement des choses, des voiles, des filets, de la mer (...). Les pêcheurs travaillaient dans l'air glacé, déchargeaient les caisses de poissons aux tons argentés (...). Les mâts me rappelaient certaines batailles d'Ucello. »
Cette année 1946 est un tournant pour Édouard Pignon qui travaille alors par séries (variations sur un même motif : une voile faite d'ellipses au centre du tableau), et s'émancipe de l'abstraction dominante alors en France. L'ancien mineur et ouvrier, installé à Paris depuis 1926, va alors développer une œuvre très personnelle, mi-abstraite mi-figurative, qui connaîtra un vif succès de son vivant (sélections pour la Biennale de Venise, rétrospective au Musée d'art moderne de Paris en 1966...).
L'exposition au Musée des Beaux-Arts (rassemblant poteries, toiles, aquarelles et fusains) en offre un petit et très bel aperçu.
Édouard Pignon, Ostende, 1946-1953
Au Musée des Beaux-Arts jusqu'au 28 août
Conférence sur Édouard Pignon, par Philippe Bouchet le jeudi 8 juin à 18h30