Les Invites / Après une année blanche, les Invites se ré-installent au centre de Villeurbanne. Outre le fait que la ville se nappe alors d'une ambiance délicieusement festive, le festival "pas pareil" contient de nombreuses promesses artistiques. Idées de découvertes.
Investir la rue comme un manifeste. Celui d'une certaine liberté que l'état d'urgence a passablement mis à mal. Villeurbanne, en son quartier historique et vivant des Gratte-ciel, accueille à nouveau cette année le festival des Invites, 15e du nom. C'est une ville dans la ville qui va s'édifier sous les yeux des habitants et passants, conviés à être les chevilles ouvrières d'une cité éphémère en carton. Jolie métaphore d'un monde qui tangue. Olivier Grossetête, plasticien, a déjà expérimenté ce projet à Marseille où il vit. 8000m² de cartons vont prendre place dans la ville, collés entre eux par centaines pour prendre la forme de bâtiments dont la hauteur peut atteindre jusqu'à 25m de haut.
Battre le pavé
25 spectacles vont se dérouler dans ce quartier dont certains ont déjà fait l'objet de résidences ce printemps aux Ateliers Frappaz, l'un des treize Centre nationaux des Arts de le Rue (CNAR). C'est le cas de Oh ! secours par le Teatro del Silencio. Cinquante habitants ont répété durant une semaine le rôle de mimes qui, avec la figure de Godot, viennent à la rencontre de la figure de Beckett : une façon de se confronter au silence de cette pièce fondamentale et surtout à ce qu'en filigrane l'auteur dit de ce qu'il reste de l'humanité d'un monde tout juste ravagé par la Seconde guerre mondiale, quand il l'écrit en 1948.
Autre auteur a prendre place dans l'espace public : Annie Ernaux que le Groupe Tonne évoque en déambulant. L'avortement, la libération des femmes, le divorce, les amours passionnelles et contrariées... tout ce qui fait l'œuvre sibylline et profondément marquante de l'écrivaine est évoqué jusqu'à son livre-somme, Les Années, qui retrace soixante ans de vie.
Ne pas rater l'intriguant travail du Grand colossal théâtre, Jean Claude, dans le ventre de son fils, une fable politique sur un enfant-roi par une troupe de Seine-Saint-Denis déjà à l'origine du non moins alléchant Batman contre Robespierre, passé aux Invites 2015.
Mais par dessus tout, il faut se rendre le vendredi 23 à 18h30 rue Léon Chomel pour aller à la rencontre de Snake, un performeur camerounais qui n'hésite pas, avec Transfrontalier, à inventer une danse convulsive pour dire le destin d'un migrant. C'est absolument dérangeant et émouvant sans que ce soit vainement culpabilisant. C'est un coup au cœur et au ventre surgi de la rue et des tripes d'un artiste sans concession.
Les Invites
À Villeurbanne du 21 au 24 juin