Congés payés et maladie : les nouvelles règles légales
Me Myriam Monnet / Après la publication de la loi du 22 avril 2024 au Journal officiel, les nouvelles règles légales sur l'acquisition de droit à congés payés pendant un arrêt maladie et sur la prise de ces congés sont en vigueur. Sauf exceptions, ces nouvelles règles s'appliquent rétroactivement pour la période courant entre le 1er décembre 2009 et le 24 avril 2024.
Acquisition de droit à congés payés pendant un arrêt maladie, suppression de la limite d'un an pour acquérir des droits à congés en cas d'accident du travail, fixation d'une période de report pour les congés non pris du fait d'un arrêt de travail, obligation d'information de l'employeur en cas de report : telles sont les nouvelles règles sur les congés payés, fixées par l'article 37 de la loi du 22 avril 2024 (dite loi Ddadue 2). Mais de nombreuses questions pratiques se posent !
Acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie ou accident d'origine professionnelle ou non
Les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat est suspendue pour maladie ou accident d'origine non professionnelle sont assimilées à du temps de travail effectif pour la détermination de la durée du congé payé. Cette absence complète la liste des périodes considérées comme du temps de travail effectif, fixée par l'article L. 3141-5 du Code du travail.
Attention, même si les arrêts de travail pour maladie sont assimilés à du temps de travail effectif pour la détermination des droits à congé, il sera nécessaire de faire un décompte séparé des congés acquis au titre de cette suspension du contrat, car le nombre de congés acquis pendant cette période est différent de celui acquis pendant les périodes de travail effectif ou les autres périodes assimilées à du travail effectif prévues à l'article L. 3141-5 du Code du travail : deux jours ouvrables par mois au lieu de 2, 5 jours.
Maladie ou accident d'origine professionnelle : suppression de la limite d'un an
La limite d'une durée ininterrompue d'un an de l'arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle au-delà de laquelle l'absence n'ouvre plus droit à congé est supprimée (article L. 3141-5 du Code du travail).
Désormais sont considérées comme période de travail effectif pour la détermination des droits à congés payés, les périodes de suspension pour cause d'accident du travail ou maladie professionnelle, quelle que soit leur durée, y compris celles qui excédent un an.
Attention, la suppression de la limite d'un an ne veut pas dire qu'il y a cumul des congés payés lorsque l'arrêt de travail est prolongé sur plusieurs années. En effet, les règles de report limitent ce cumul.
Des droits à congés différents selon que la maladie ou l'accident a une origine professionnelle ou non
Le salarié en arrêt de travail suite à une maladie ou un accident d'origine non professionnelle acquiert, à compter du 24 avril 2024, deux jours ouvrables de congé par mois d'absence, dans la limite de 24 jours ouvrables par période de référence d'acquisition (article L. 3141-5-1 du Code du travail), soit quatre semaines de congés payés par an.
Cela correspond au congé garanti par le droit européen.
Le salarié absent pour maladie ou accident d'origine professionnelle continue par contre d'acquérir des congés payés à hauteur de 2, 5 jours ouvrables par mois, soit 30 jours ouvrables par période de référence d'acquisition.
Ces règles vont complexifier pour les entreprises la gestion des congés payés lorsque l'année de référence d'acquisition des congés comportera pour partie des périodes de travail effectif ou assimilée (hors arrêt maladie) et pour partie des périodes d'arrêt maladie.
Un double décompte sera nécessaire pour vérifier lequel est le plus favorable.
Obligation d'information de l'employeur
À l'issue d'une période d'arrêt de travail du salarié pour cause de maladie ou d'accident d'origine professionnelle ou non, l'employeur doit, à compter du 24 avril 2024, porter à la connaissance du salarié, dans le mois qui suit la reprise du travail, les informations suivantes (article L. 3141-19-3 du Code du travail) : le nombre de jours de congé dont il dispose, ainsi que la date jusqu'à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.
Cette information s'effectue par tout moyen conférant date certaine de réception, notamment par le biais du bulletin de salaire (article L. 3141-19-3 du Code du travail).
Sauf exceptions, c'est à compter de cette information que commencera le délai de report pour le salarié qui n'aurait pas pu prendre tous ses congés avant la fin de la période légale ou conventionnelle de prise des congés, du fait de son absence pour maladie ou accident d'origine professionnelle ou non.
Attention, le texte ne prévoit pas de durée d'absence minimale déclenchant l'obligation pour l'employeur de délivrer cette information. L'employeur est tenu d'informer le salarié à l'issue de tout arrêt de travail, quelle que soit sa durée, y compris, semble-t-il, si cette absence n'a pas d'impact sur les droits à congés, du fait de la règle d'équivalence prévue à l'article L.3141-4.
Une période de report des congés non pris du fait d'un arrêt de travail
Le salarié qui est dans l'impossibilité, pour cause de maladie ou d'accident d'origine professionnelle ou non, de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu'il a acquis, bénéficie d'une période de report de 15 mois afin de pouvoir les utiliser (article L. 3141-19-1 du Code du travail). Les modalités de ce report font l'objet de trois articles du Code du travail dans la sous-section 2 « Règles de fractionnement et de report ». Ces règles sont qualifiées de règles d'ordre public avec un cas de dérogation.
Au-delà de cette période, les congés seront perdus si le salarié ne les prend pas. Un accord d'entreprise ou d'établissement, ou à défaut une convention ou un accord de branche pourraient fixer une durée de report supérieure. Ce report, a contrario, ne vise pas le cas où l'arrêt de travail du salarié prend fin avant l'expiration de la période de prise des congés. Dans ce cas, le salarié doit être informé de ses droits à congés et doit les prendre avant la fin de la période de référence de prise des congés.
Sort des arrêts maladie intervenus à compter du 1er décembre 2009
Ces nouvelles règles s'appliquent rétroactivement pour la période courant entre le 1er décembre 2009 et le 24 avril 2024 (lendemain de la publication de la loi), sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, ou de stipulations conventionnelles plus favorables en vigueur à la date d'acquisition des droits à congés. Il est important de préciser que le 1er décembre 2009 correspond à la date d'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui a rendu d'application directe les règles posées par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dont celle selon laquelle tout travailleur doit bénéficier d'au moins quatre semaines de repos. Depuis cette date, tout salarié peut invoquer ce droit à l'égard de son employeur.
Le délai dont disposera le salarié pour faire valoir en justice ses droits dépendra de sa présence ou non dans l'entreprise au 24 avril 2024 :
– Si le salarié est présent dans l'entreprise au 24 avril 2024 : toute action ayant pour objet l'octroi de jours de congé au titre des arrêts maladie intervenus après le 1er décembre 2009 doit être introduite, à peine de forclusion, dans le délai de deux ans à compter du 24 avril 2024, soit jusqu'au 24 avril 2026 minuit ;
– Si le salarié a quitté l'entreprise avant le 24 avril 2024, la prescription triennale de l'article L 3245-1 du Code du travail applicable aux créances salariales s'applique. Les salariés auraient trois ans pour agir à compter de la rupture de leur contrat de travail.
La nouvelle réglementation des congés payés durant un arrêt maladie, influencée par les arrêts de la Cour de Justice de l'Union européenne, constitue un tournant majeur dans la protection des droits des travailleurs en France. Cette réforme renforce le cadre légal en faveur des salariés et garantit que la maladie n'affecte pas leur droit fondamental aux congés payés. Cependant, elle impose également aux entreprises une adaptation rapide de leurs pratiques et une gestion minutieuse des absences.
Si cette évolution est perçue comme positive pour les salariés, elle soulève des défis pratiques pour les employeurs. La question du report des congés non pris, la gestion des arrêts maladie à répétition et l'équilibre entre la protection des salariés et la performance des entreprises sont des problématiques qui devront être suivies de près dans les prochaines années.
En fin de compte, cette nouvelle réglementation marque une étape supplémentaire vers une harmonisation des droits sociaux en Europe, tout en offrant une meilleure protection aux salariés français. Mais pour que cette réforme soit pleinement réussie, un dialogue social renforcé et une collaboration étroite entre les entreprises et les représentants des salariés seront nécessaires.